Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/481

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combien par le rang et la renommée, ce qui les avait séparées durant la vie, et l’affreuse nouveauté du crime qui les réunissait pour toujours. Aux calamités irréparables on ajoutait les calamités possibles. On parlait du duc de Joinville menacé de si près ; du duc d’Orléans légèrement blessé ; de M. de Broglie atteint d’une balle qui ne l’avait épargné que parce qu’elle avait glissé sur la plaque de sa décoration de grand-croix. Quelques-uns frémissaient en songeant aux désordres que la mort inopinée du roi aurait peut-être déchaînés sur la France. Car, telle est la misère des monarchies, tel est le vice de l’engrenage politique dont elles forment le principal ressort, que la destinée d’un grand peuple y semble dépendre de l’existence d’un seul homme, c’est-à-dire d’un coup de poignard, d’une maladie aiguë, d’une roue de voiture qui se brise, d’un cheval qui s’emporte ! Aussi peut-on dire que le régime monarchique abaisse outre mesure le niveau de l’humanité !

Quant à la responsabilité de l’attentat, les partis se montrèrent un moment disposés à se la renvoyer l’un à l’autre, par une tactique trop commune et qui n’en est pas moins dégradante. Parce qu’on avait trouvé dans la chambre de l’assassin une lithographie représentant le duc de Bordeaux, les légitimistes furent accusés. Et à leur tour, certaines feuilles légitimistes s’abaissèrent, contre les républicains, à des allusions dont la cruauté égalait à peine la bêtise. Hâtons-nous de le dire, à la gloire de notre nation, ces mutuelles récriminations furent passagères, et bientôt, grâce un généreux sentiment de pudeur publique, le cri qui domina fut