Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/500

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troverse, c’est que les ministres du 11 octobre, après tous les sanglants services rendus par eux à la dynastie d’Orléans, pesaient horriblement à son chef. On ne se crut roi que le jour où il devint possible de faire peur à M. Thiers de M. Guizot et à M. Guizot de M. Thiers.

Mais il fallait arriver à rompre le faisceau pour toujours. Voici quelles circonstances favorisèrent sur ce point les vues du Château :

M. Guizot allait quitter le ministère, et il n’était pas riche ; ses amis songèrent à lui créer une position qui l’élevât au-dessus de tout vulgaire souci, et ils mirent beaucoup d’activité à lui gagner des voix pour la présidence de la Chambre. M. Thiers, qui n’avait point reçu la confidence de leurs démarches, ne tarda pas à en être informé, et il en conçut un amer dépit. Pourquoi, dans une affaire qui le touchait de si près, avait-on jugé à propos d’agir si complétement en dehors de lui ? Ce coup lui fut d’autant plus sensible, qu’il venait de se sacrifier pour les doctrinaires, et qu’il n’eût pas été éloigné de désirer le fauteuil promis à une ambition rivale. Un jour donc, M. Guizot étant monté dans la voiture de M. Thiers, et celui-ci laissant percer sur son visage l’irritation intérieure : « Plusieurs de mes amis, dit M. Guizot, me destinent la présidence de la chambre ; et j’y prétends. Moi, je n’y prétends pas, répondit M. Thiers, blessé au vif ; toutefois, l’avertissement me vient assez tard pour qu’une semblable prétention ait eu le temps de naître en moi. » Et les deux collègues se séparèrent, très-mécontents l’un de l’autre. Le projet fut abandonné ; mais il avait allumé dans l’âme de