Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/133

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son œuvre était finie, sa mission épuisée, qu’on l’avait laissé mourir sur ce rocher où, selon le mot de Chateaubriand, on l’apercevait de toute la terre.

Et puis, Louis Bonaparte, s’il voulait plaire en France à la classe bourgeoise, était irrésistiblement conduit à abandonner ses idées guerrières. Et dès-lors, qu’eût-il apporté à l’armée ? qu’eût-il apporté au peuple ? La continuation de l’œuvre de Napoléon moins la guerre ; c’eût été — il était permis de le craindre — le despotisme moins les triomphes, les courtisans sur nos têtes moins l’Europe à nos pieds, un grand nom moins un grand homme, l’Empire enfin moins l’Empereur.

Louis Bonaparte, cependant, était pressé d’agir. Par des agents dévoués, il sonde les dispositions des troupes, interroge le zèle des officiers, entre en relation avec des personnages importants, se fait rendre compte de la situation des partis. Le résultat des informations prises ne fut ni tout-à-fait favorable ni tout-à-fait décourageant des germes de fermentation existaient dans l’armée ; nul doute que, par le souvenir, elle n’appartînt à Napoléon parmi les chefs de corps, quelques-uns promettaient leur épée, mais seulement pour le lendemain d’un premier succès ; et les personnages marquants auxquels des ouvertures avaient été faites se montraient plutôt bienveillants qu’hostiles. Quant au parti républicain, le seul que Louis-Bonaparte craignît et fût résolu à ménager, n’était-il pas réduit à ajourner ses espérances, faute d’un nom, faute d’un chef ? C’est ce que le jeune prince crut complaisamment, sur la foi de quelques paroles d’Armand