Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/147

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put retenir ses larmes. Il craignait, d’ailleurs, qu’on ne se bornât à le renvoyer en Suisse, ce qui eût fait de lui un conspirateur sans importance, dont il n’y avait lieu ni de punir les témérités ni de redouter les entreprises. Mais l’incapacité de ses ennemis le sauva de cette humiliation ils décidèrent que leur prisonnier serait immédiatement transporté en Amérique sur un bâtiment de l’État.

Louis Bonaparte, en effet, ne passa que deux heures à Paris. Il y fut reçu avec les égards convenables par M. Gabriel Delessert, préfet de police il y entendit des paroles qui adoucirent un peu l’amertume de son cœur ; et, dans sa loyauté trop confiante, il écrivit au roi une lettre où il intercédait pour ses amis captifs, ajoutant, pour ce qui le concernait lui-même, quelques expressions de gratitude. Il n’avait pas prévu que, familiarisés avec le mensonge, les courtisans dénatureraient cette démarche d’une manière odieuse et la transformeraient en une solennelle promesse faite par lui de rester en Amérique pendant dix ans !

Ce fut le 21 novembre (1836) que le neveu de Napoléon s’éloigna de cette terre sacrée de France où l’avait poussé tout ce qui peut éveiller les puissances de l’âme : orgueil du nom, pensées de gloire, ressentiment légitime, amour de la patrie mêlée à l’ardeur des désirs ambitieux. Vaincu, il laissait derrière lui le dénigrement et le sarcasme. Mais les républicains, qui l’auraient poursuivi et abattu peut-être au sein de sa victoire, protégèrent noblement sa défaite et demandèrent respect pour son malheur.