Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/180

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moins que son goût pour l’Angleterre et son ardeur pour la paix ne l’avaient fait croire généralement. Car les Anglais ne faisaient pas étalage de leur jalousie, nous croyant peu propres à garder notre conquête et le roi savait bien que la guerre d’Alger n’était pas de celles qui embrasent tout. « Peu importe, disait-il avec un grand bonheur d’expression, qu’on tire en Afrique cent mille coups de canon on ne les entend pas en Europe. »

Restait M. Thiers ; et de tous les personnages marquants c’était le seul qui eût, relativement à l’Afrique, une volonté forte. Le fond des idées de M. Thiers étant l’impérialisme, l’Algérie lui plaisait comme pépinière de soldats. Si nos troupes n’y apprenaient pas à se tenir debout et inébranlables devant la gueule des canons, elles s’y exerçaient du moins à la fatigue, elles s’y accoutumaient à jouer avec le péril, à supporter les privations, à mener la vie du bivouac, à surmonter la nostalgie. Voilà ce qui attachait M. Thiers à l’Afrique, d’autant que nos luttes y mettaient en saillie des âmes vraiment militaires, des hommes qui, tels que Changarnier, Lamoricière, Bedeau, Cavaignac, Duvivier, pouvaient un jour être opposés à l’Europe en armes, avec sécurité, confiance et orgueil.

On le voit, les conceptions de M. Thiers n’étaient pas dignes, sous tous les rapports, du principe représenté par la France dans le monde. Pas plus que le gouverneur général de l’Algérie, il ne s’était élevé à l’idée de la colonisation par l’État, idée qui ne paraissait impraticable que parce qu’elle était grande. Etendre les possessions militaires de la