Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/213

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cette loi, la veille de l’attentat commis à Strasbourg : que serait-il arrivé ? que serait-il arrivé si, le jury restant imbu des opinions que vous redoutez, le conseil de guerre avait été animé, au contraire, des sentiments de rigueur que vous a attendez de lui ? que serait-il arrivé, après l’acquittement prononcé par l’un des deux tribunaux et la condamnation prononcée par l’autre ? Quoi en même temps, dans la même ville, deux portes se seraient ouvertes : ici la marche funèbre des condamnés à mort, là l’ovation aux coupables acquittés et à leurs juges ! Et vous auriez laissé passer le convoi à côté de ces joies bruyantes des triomphateurs de la justice !… »

À peine M. Berryer a-t-il cessé de se faire entendre, qu’un bourdonnement s’élève. Les députés ont quitté leurs places et vont se former en groupes dans les couloirs et dans l’hémicycle. Les tribunes sont en mouvement. Les ministres se concertent. Enfin, M. de Salvandy, rapporteur du projet de loi, essaie de justifier son œuvre ; mais, au milieu de l’émotion qui se prolonge, on l’écoute à peine, et la discussion générale est fermée.

Le lendemain, 7 mars, M. Jaubert se jetait, éperdu, dans la mélée. Pour cet homme fougueux, âpre avec esprit, incisif, aussi incapable de faiblesse que de discrétion, et qui mettait à soutenir des théories de despotisme l’impatience factieuse et l’emportement d’un tribun, la loi proposée par les ministres n’était pas encore assez dure, assez absolue. Il venait donc appuyer le général Tirlet, et provoquer M. Dupin aîné, qui avait à ses yeux le tort d’être