Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/297

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M. Guizot perdirent tout. Il entretenait avec le Centre certaines relations dont il n’aurait pas voulu que le bénéfice lui fût enlevé. Il annonça donc l’intention de blâmer le ministère avec ménagement et sans rien compromettre. En vain ses amis lui représentèrent-ils les inconvénients d’une attitude flottante, et que la sagesse ici c’était la décision ; il s’obstina par excès de circonspection ou par égoïsme.

Ainsi qu’il avait été convenu, ce fut M. Jaubert qui engagea le combat. Il s’y montra ce qu’il était plein de fougue, de verve, et railleur. Ce qu’il réprouvait dans les fonds secrets, c’était moins leur principe que leur emploi. Il fit ressortir par vives paroles le scandale des subventions payées aux journaux, mettant à l’Index le patronage ruineux à l’ombre duquel le Journal des Débats avait vécu et grandi. « J’accorde mon vote au gouvernement, disait-il comme conclusion, je l’aurais refusé au ministère. » M. Guizot, lui aussi, vint se poser à la tribune en adversaire du pouvoir. Mais il n’était plus reconnaissable. Il hésitait, il balbutiait, il s’embarrassait dans de vagues formules dont l’emphase dissimulait mal la banalité, cet homme ordinairement si superbe et si tranchant dans son dogmatisme. Tantôt le regard fixé sur ses nouveaux amis, il semblait leur demander pardon de la mollesse de ses attaques ; tantôt se retournant vers le Centre, d’un air suppliant et contraint, il paraissait honteux de la nouveauté de son rôle d’opposition. Après un discours qui fut un supplice pour l’assemblée et pour lui-même, il descendit de la tribune, au milieu d’une désapprobation morne. Découragé,