Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/301

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passé. Elle y gagnait, dans tous les cas, de flatter la reine. Et l’entreprise n’avait rien de chimérique, car la duchesse de Dino commandait irrésistiblement à la volonté de son oncle, douée qu’elle était d’une vive intelligence et d’un esprit charmant.

Aussi bien, M. de Talleyrand commençait à faire sur lui-même de fréquents retours, quoiqu’il se gardât soigneusement d’en laisser rien paraître à ceux de ses amis qui, comme MM. de Montrond, Thiers et Mignet, auraient eu droit de s’en étonner. Pendant l’année qui précéda sa fin, il demanda souvent à son libraire des livres pieux et sur un petit morceau de papier nous avons lu, tracée au crayon et de sa main, l’indication suivante : La Religion chrétienne étudiée dans le véritable esprit de ses maximes. Enfin, arrivé à cet état d’inertie morale où l’homme ne peut plus se suffire, et voyant se dresser de toutes parts autour de lui les fantômes de son cœur, il résolut d’appeler un prêtre. Ce fut à l’abbé Dupanloup qu’il s’adressa. Il n’était pas encore atteint de la maladie laquelle il devait succomber, et sa vieillesse seule l’approchait de la mort.

L’abbé Dupanloup éprouvait pour M. de Talleyrand une répugnance extrême : prié à dîner, il refusa d’abord ; mais, sur l’invitation de l’archevêque de Paris, il dut se prêter à des relations évidemment profitables à l’Église. Une secrète inquiétude l’agitait pourtant. N’était-il pas à craindre que la conversion de M. de Talleyrand ne fût une mystification cruelle préparée par son impiété, et comme une dernière comédie jouée audacieusement sur les bords du tombeau ? Tout n’était-il pas possible à