Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/336

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Cette nation qui avait presque inventé la chevalerie, qui s’était illustrée à jamais par l’élégance de ses mœurs cette nation qu’on avait coutume de citer pour son esprit, pour sa grâce, pour son désintéressement, pour sa courtoisie si délicate et si fière, elle se montra tout-à-coup dominée par une classe que tourmentait une honteuse fièvre d’industrialisme. Pour cette classe tout était devenu objet de trafic. On se pressait, on se heurtait dans les avenues des banques. Prendre des actions sans les payer, les vendre, toucher des primes faire fortune avec la hausse, telle était la folie universelle, tel était le rêve de plusieurs milliers d’hommes éveillés. Aussi, dans l’arène industrielle, une émulation sordide entassait-elle chaque jour débris et victimes. Là, plus de croyances profondes ou exaltées, plus d’élans chevaleresques, plus de poésie dans les actes ou dans les pensées, plus de passions viriles. Chez les prolétaires, privés de repos, privés d’espérance, une résignation morne et l’envie tempérées toutefois par des aspirations nobles et une impérissable aptitude aux grandes choses ; mais, au-dessus, la convoitise, l’impatience du succès, une soif du gain inextinguible et cruelle, l’alliance de la richesse et de l’intrigue dans un but de spoliation, et, sous le nom d’habileté, la bassesse se glorifiant de ses triomphes. Rien de semblable ne s’était jamais vu dans notre pays. Ce ne furent bientôt plus partout qu’entreprises fondées sur le mensonge. Les faiseurs d’affaires pullulaient. Combiner des infamies lucratives, cela s’appelait avoir des idées. On mit en actions des mines imaginaires on proposa d’exploiter des inventions