Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/338

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la dépense présumée de plus d’un milliard. Toutefois, le ministère ne proposait pas l’exécution immédiate d’une masse aussi considérable de travaux ; il se bornait à demander l’autorisation de travailler, et cela simultanément, à la confection des lignes qui devaient unir Marseille à Avignon, et Paris : à la frontière Belge, à Rouen, à Bordeaux, à Orléans et à Tours, ce qui formait un développement de trois cent soixante-quinze lieues, dont la dépense était d’avance évaluée à 350 millions.

Le projet était plein de hardiesse et d’éclat, parfaitement motivé, digne enfin du gouvernement d’un grand peuple et le ministre du commerce, M. Martin (du Nord), aurait conquis une place honorable dans l’histoire s’il avait-mis à le soutenir le courage qu’il avait fallu pour le présenter. Mais la proposition ne fut pas plus tôt connue, qu’un cri de fureur partit des premiers rangs de la bourgeoisie. L’exécution des chemins de fer par l’État enlevait, en effet, aux banquiers, aux faiseurs d’affaires, aux joueurs de l’industrie, aux capitalistes des deux Chambres, une proie sur laquelle ils avaient compté. Leur colère s’exhala de toutes parts en termes passionnés. Ils prétendirent que le gouvernement était incapable, en thèse générale, d’exécuter les travaux publics ; que les compagnies particulières devaient en être chargées, parce que, pressées par l’aiguillon de l’intérêt privé, elles agiraient plus économiquement et plus vite que l’esprit d’association avait besoin d’être encouragé en France ; que l’occasion était admirable et qu’il y avait nécessité de la mettre à profit.