Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/386

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Là venaient aboutir les renseignements ; là s’opérait entre des hommes autrefois rivaux ou ennemis, je ne sais quel bizarre échange de services et de complaisances ; là brûlait le foyer des frivoles désirs et des passions jalouses. Que d’espérances couronnées si l’on triomphait ; et, si l’on succombait, quelle honte ! Mais, pour l’activité, pour remportement, pour l’énergie factieuse, pour le délire de la colère allumée dans l’ambition, nul n’égalait M. Guizot. « C’est un austère intrigant », avait dit de lui un littérateur de l’époque, M. de Latouche, homme d’un esprit étincelant et d’une implacable probité. Et ce mot terrible, les adversaires de M. Guizot se plaisaient alors à le répéter. Martyr, en effet, de son propre orgueil, esclave des plus fougueuses puissances de l’âme, tantôt, s’adressant à ceux qui exerçaient encore des fonctions, comme M. Vivien, il leur demandait d’émouvoir l’esprit public par l’éclat de démissions collectives et hautaines ; tantôt il gourmandait les scrupules de M. Barrot, alarmé du concours des légitimistes ; tantôt enfin, la bile sur le front et l’oeil plein de haine, il criait à ses alliés, trop timides : « N’oubliez pas, surtout, n’oubliez pas de faire peur aux préfets. Qu’ils sachent bien que demain peut-être nous serons vainqueurs et… inflexibles. »

Des comités avaient pris naissance dans presque toutes les villes de France, qu’entraînait l’exemple de Paris ; et il fallait, par d’imposantes démonstrations empêcher la dispersion des efforts et les défiances. La coalition, d’ailleurs, ne devait pas avoir l’air d’un complot. Les chefs résolurent donc de