Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/411

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de faire avorter une combinaison qu’on supposait lui déplaire parce que le maréchal Soult y occupait la plus haute place. L’interprétation fit fortune, les gens de Cour s’en emparèrent, et M. Thiers fut dénoncé comme le plus dangereux des brouillons. De son côté, il fit répandre par ses amis que, s’il avait cru devoir provoquer des explications catégoriques, c’était par suite de la connaissance personnelle qu’il avait du roi, facile sur la théorie, non sur la pratique ; qu’il eût été imprudent de sa part et insensé, d’accepter le pouvoir sans avoir bien fait d’avance ses conditions ; que sa justification complète se tirait de la résistance de ceux que lui-même avait choisis pour collègues : résistance si extraordinaire, si imprévue, et qui témoignait si clairement de l’influence exercée par le voisinage de la royauté et par l’amour trop impatient d’un portefeuille.

Sur ces entrefaites, le maréchal Soult alla voir M. Thiers, qu’il pressa de se mettre à la tête d’un Cabinet. Mais M. Thiers, qui ne voulait pas donner prise aux accusations dirigées contre lui, et qui, à tort ou à raison, considérait le maréchal Soult comme l’envoyé du Château, M. Thiers répondit : « Ne donnez pas, monsieur le maréchal, un tel conseil à la Couronne. Si j’étais appelé aujourd’hui à former un Cabinet et qu’on m’en offrît la présidence, je ne vous cache pas que dans une offre semblable je verrais un piège. »

Ainsi, aux désordres de l’interrègne ministériel se joignait le conflit des récriminations envenimées et des soupçons outrageants. Il fallut en revenir à