Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/450

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Sur le terrain européen, au contraire, la France était très-forte ; car elle avait pour elle, contre l’ambition moscovite — la Prusse, en ceci demeurant neutre — l’Autriche, qu’eut ruinée un complet accaparement de la mer Noire, et l’Angleterre, dont la domination asiatique devait périr le jour où les Russes la menaceraient du haut de Constantinople.

De là une conséquence bien simple. L’intérêt de la France était de détourner les Puissances du terrain oriental, pour les attirer sur le terrain européen et les y retenir. D’une question que fort mal à propos on avait rendue complexe, la France aurait dû faire deux questions distinctes, et dire : « Que Mahmoud et Méhémet-Ali vident entre eux leurs différends ; et puisque leur querelle ne regarde l’Europe qu’en ce qu’elle offre à la Russie l’occasion de porter au sultan des secours dangereux, contentons-nous de veiller à l’inviolabilité du Bosphore. Voici l’heure de déchirer ce traité d’Unkiar-Skelessi contre lequel nous n’avons élevé jusqu’à présent que des plaintes vaines voici l’heure d’annoncer que nous mettrions au ban de la république européenne toute Puissance qui poserait le pied dans la ville du sultan. »

C’était là sans contredit la vraie politique de la France, et il était d’autant plus facile d’en assurer le triomphe, qu’elle répondait à merveille aux vues de l’Angleterre et à ses passions.

L’Angleterre, en effet, aspirait bien à renverser Méhémet-Ali ; mais ce désir la touchait beaucoup moins que la crainte de voir passer aux mains des Russes, avec la clef des Dardanelles, le sceptre du