Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/461

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comparable dans l’histoire que la destruction des Templiers. Mais où il fallait clairvoyance et mesure, il échoua. Novateur, il alla droit à la réforme des coutumes, avant d’avoir touché aux institutions et changé les mœurs, ce qui était commencer par le plus périlleux et le moins important, les hommes en général tenant plus à leurs usages qu’à leurs idées. Il dépouilla les Turcs de leur riche et regrettable costume, leur mit sur la tête un fez à la place d’un turban ; et les voyant à peu près habillés à l’européenne, il s’imagina les avoir civilisés. Voulant refaire sa milice, il la perdit. Bizarre inspiration que de soumettre aux règlements de notre école de cavalerie les descendants des Mamelucks, les meilleurs cavaliers du monde ! Il eut, en outre, le tort de donner ses innovations pour auxiliaires à ses vices : il se livra au goût de la boisson proscrite par Mahomet, jusqu’à en mourir ; sa sensualité rechercha jusqu’au scandale l’amour des Grecques du Bosphore, filles chrétiennes. Ce n’était pas rajeunir l’Islamisme, c’était l’outrager. Mais, par une insolence familière aux despotes, pouvant beaucoup oser, il osait tout. Par là il brisa gratuitement l’énergique individualité des Turcs. Au fanatisme, leur sauvage mobile, qu’avait-il substitué ? Il se trouva donc sans force contre les attaques du dehors, et la moitié de son empire lui échappa. Il avait l’empereur de Russie pour allié : il l’eut bientôt pour protecteur ; il avait le pacha d’Egypte pour vassal : il l’eut pour ennemi. L’Europe, qu’il désirait imiter, qu’il avait conçu l’espoir d’égaler peut-être, l’enveloppa, opprima ses colères, et le tint comme en-