Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/472

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tie était gagnée pour la France. L’Angleterre, qui n’aurait plus trouvé de prétexte plausible pour frapper Méhémet-Ali au nom du serail menacé par les Russes, l’Angleterre aurait détourné ses regards de la question égyptienne et sacrifié à la terreur que St-Pétersbourg lui inspirait sa mauvaise humeur contre le vice-roi ; la Russie ne se serait jamais risquée sur le Bosphore en voyant les vaisseaux français et britanniques prêts à forcer les Dardanelles ; vainqueur, Ibrahim aurait obtenu de la Porte effrayée, l’Égypte et la Syrie héréditaires ; et tout se serait terminé de la sorte au profit de la France et selon ses vues.

Malheureusement, les ministres du 12 mai ne suffisaient pas à la situation. Dans le Conseil, le maréchal Soult n’était qu’un nom. M. Passy possédait un jugement droit, des connaissances variées, mais il manquait de l’habitude des grandes affaires. Membre éminent du barreau de Paris et puissant orateur, M. Teste n’était pas en état de conduire le Cabinet. M. Dufaure avait dans l’esprit plus de netteté que de portée. M. Villemain était un discoureur brillant, M. Duchâtel, un ministre plein de dextérité ; mais ils n’avaient ni l’un ni l’autre le coup-d’œil de l’homme d’État.

Restait le roi, qui, comme nous le verrons dans le cours de ce récit, ne sut rien vouloir, ne sut rien prévenir, ni prévit rien, et s’endormit jusqu’au bout dans des illusions à peine croyables.

Les ministres français avaient interdit, quoiqu’il advînt à Méhémet-Ali le passage du Taurus : ce fut leur première faute. Par là, ils protégeaient in-