Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/474

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reconnaître que le salut de Constantinople et la paix universelle dépendaient d’un geste d’Ibrahim ? N’était-ce pas autoriser l’Angleterre à demander qu’on mit le désert, s’il le fallait, entre le Taurus et cette armée qui, pour troubler l’Europe, n’avait qu’à faire un pas ?

Du reste, les ministres du 12 mai ne furent pas sans pressentir que, dès qu’il s’agirait de régler le sort de Méhémet-Ali, l’Angleterre se déclarerait contre eux violemment et gagnerait à sa cause le reste de l’Europe. Aussi s’étudièrent-ils, dans leurs premières dépêches, à envelopper de réticences leur opinion sur les arrangements territoriaux à prendre en Syrie[1], ne cessant de répéter que c’était entre St-Pétersbourg et Constantinople qu’était le nœud gordien, et qu’on eût à regarder vers le Nord.

Mais, par une fatale inconséquence, tandis que d’une main ils voilaient de leur mieux la question égyptienne, de l’autre ils jetaient imprudemment les bases d’un concert européen, où il était impossible que cette question ne fut pas soulevée puis résolue contre eux. C’est ainsi que le 17 juillet (1839), répondant à l’initiative prise par l’Autriche, le maréchal Soult faisait la déclaration suivante :

« Tous les Cabinets veulent l’intégrité et l’indépendance de la monarchie ottomane sous la dynastie régnante ; tous sont disposés à faire usage de leurs moyens d’action et d’influence pour assurer le maintien de cet élément essentiel de l’équilibre européen, et ils n’hésiteraient pas à se

  1. Voir, dans le recueil précité, la dépêche du maréchal Soult en date du 15 juin 1839.