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dait à M. de Boutenieff : « Nous ne devons et nous ne pouvons pas nous ériger en arbitres de ce qui touche à ce point aux intérêts de la Porte : c’est à elle de décider. L’empereur vous accorde toute latitude pour ouvrir les voies, de concert avec vos collègues, à un arrangement pacifique entre la Porte et l’Égypte, sauf la libre adhésion du sultan. » Il était impossible de désavouer plus clairement la note du 27 juillet[1].

M. de Metternich ne s’était pas attendu à un pareil désaveu. Sa vanité avait caressé l’espoir d’une conférence prochaine où, à l’ombre de son expé-

  1. Du recueil diplomatique publié par lord Palmerston, M. Léon Faucher. a tiré un véritable acte d’accusation contre la diplomatie des Puissances étrangères. Le travail de M. Léon Faucher, très-remarquable d’ailleurs, nous a paru quelquefois aller trop loin dans l’accusation.

    L’auteur, par exemple, regarde et dénonce comme une comédie la désapprobation dont la Russie frappa la note du 27 juillet. Une lecture attentive des dépêches nous a donné une opinion contraire. Une partie de la note du 27 juillet étant dirigée manifestement contre l’ambition du Cabinet de Saint-Pétersbourg, il est tout simple qu’il s’en soit offensé.

    M. Léon Faucher reproche aussi, et très-amèrement, à Lord Palmerston la perfidie de sa politique. Il n’y eut perfidie, de la part de lord Palmerston, que dans les menées qui, comme on le verra plus bas, fomentèrent l’insurrection de Syrie, et que dans le secret gardé sur le traité qui devait rompre définitivement l’alliance anglo-française. Mais il est certain qu’à l’origine des négociations, la conduite de lord Palmerston fut très-naturelle et son langage très-net. Dès le début, il parle de la nécessité d’enlever la Syrie au pacha ; dès le mois de mai, il proclame la restitution de la Syrie au sultan comme un élément essentiel de l’équilibre européen. S’il y eut quelque part défaut de franchise, ce fut dans le Cabinet des Tuileries, qui ne fit officiellement connaître son opinion sur la question égyptienne que vers la fin de septembre.

    En somme, M. Léon aucher nous semble avoir un peu trop cédé a l’honorable entraînement d’une indignation patriotique en mettant quelquefois sur le compte des perfidies d’autrui ce qui n’était que le résultat des fautes de nos ministres. Ceci nous est cruel à dire, mais la vérité l’exige.