Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/72

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pendant mon sommeil. Elle était vêtue de noir et avait les yeux pleins de larmes. Je lui ai demandé avec effroi : Qui pleurez-vous ? Est-ce mon père ? — Non. — Est-ce mon frère ? — Non. — Et de qui donc portez-vous le deuil ? — De vous, mon fils. » Le lendemain de ce rêve prophétique, Armand Carrel écrivait dans le National les lignes que nous avons mentionnées plus haut, et qui provoquèrent, de la part de M. Émile de Girardin, la réponse dont nous avons parlé.

Le débat était-il engagé de telle sorte que, s’il demeurait dans les mêmes termes, une rencontre dût naturellement s’en suivre ? Carrel avait une susceptibilité trop altière pour hésiter. Accompagné de M. Adolphe Thibaudeau, homme d’un rare talent et son ami, il se rendit en toute hâte chez M. Émile de Girardin, décidé à obtenir, ou une explication publique, ou une réparation par les armes. Il entra tenant à la main le journal de son adversaire. Il faisait effort sur lui-même pour être calme, et il n’y eut rien que de très-poli, soit dans ses manières, soit dans son langage. Mais à peine avait-il commencé que M. Émile de Girardin exprima le désir d’appeler dans la discussion un de ses amis, M. Lautour-Mézeray, qu’il envoya aussitôt chercher. Jusqu’à l’arrivée de M. Lautour-Mézeray, il y eut un assez vif échange de paroles. Armand Carrel crut voir dans la résistance de M. de Girardin une intention de duel, et, comme il en faisait l’observation, « une rencontre avec un homme tel que vous, Monsieur, lui dit M. de Girardin, me paraîtrait une bonne fortune.