Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/74

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insouciance extraordinaire, en homme qui s’abandonne à sa fortune et qui se plaît à interroger fièrement la destinée. Or, on observa que, sous ce rapport, un changement notable venait de s’opérer en lui. C’était bien toujours le même sang-froid, la même sérénité ; mais ses discours semblaient contenir, pour ses amis, je ne sais quelles consolations cachées, son sourire avait quelque chose d’un adieu, et il était tout entier par la pensée à ceux qui lui étaient chers. Il mit à rendre un dépôt qu’on lui avait confié une précipitation étrange ; et, ce qu’il n’avait jamais fait, il s’occupa de son testament.

Ce fut le vendredi 22 juillet 1836 de grand matin, qu’Armand Carrel et M. de Girardin se retrouvèrent en présence dans le bois de Vincennes. Le premier avait pour témoins MM. Maurice Persat et Ambert ; les témoins du second étaient MM. Lautour-Mézeray et Paillard de Villeneuve. Pendant qu’on chargeait les pistolets, Carrel dit à M. de Girardin « Si le sort m’est contraire, Monsieur, et que vous fassiez ma biographie, elle sera honorable, n’est-ce pas, c’est-à-dire vraie ? —Oui, Monsieur, répondit celui-ci. » Les témoins avaient mesuré une distance de quarante pas on devait s’approcher jusqu’à une distance de vingt. Armand Carrel s’avança aussitôt, sourd aux exhortations de M. Ambert, qui lui criait de s’effacer, et présentant à la balle qui le cherchait toute la largeur de son corps. M. de Girardin s’était avancé de quelques pas. Les deux coups étant partis presqu’en même temps, on vit les deux adversaires tomber, blessés tous deux, l’un à la jambe, l’autre dans l’aine.