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INTRODUCTION.

Que le christianisme ait frappé la chair d’anathème, c’est vrai. Mais cet anathème ne fut qu’une réaction nécessaire contre la grossièreté des mœurs païennes. Le paganisme avait été une longue et brutale victoire de la force sur l’intelligence, des sens sur l’esprit. Le christianisme ne vint pas rétablir l’équilibre, il fit durer le combat, en déplaçant la victoire. C’est ainsi qu’après avoir adopté, avec le dogme du péché originel, de la chute des anges, du paradis et de l’enfer, l’antique théorie de la lutte de deux principes : le bien, le mal, il plaça le principe du mal dans la matière. Mais fallait-il confondre ce que le christianisme avait de relatif, de transitoire, avec ce qu’il avait de divin et d’éternel ? Fallait-il s’écrier : La souffrance est sainte à jamais ?

La souffrance était sainte dans l’apôtre, se vouant pour la propagande des idées nouvelles, aux privations les plus dures et à des fatigues sans nom ; elle était sainte dans le martyr, enthousiaste et indomptable soldat du Christ : elle ne pouvait l’être, ni dans le solitaire, oubliant de servir les hommes pour aller pousser, au fond d’un volontaire exil, des gémissements pleins d’égoïsme ; ni dans le religieux, s’acharnant à dégrader, par un inutile et lent suicide, son propre corps, œuvre inviolable de Dieu !

Et qui ne sait combien l’abus de la pensée chrétienne produit de maux ? Il s’est trouvé dans le spiritualisme catholique une source d’oppression tout aussi féconde, hélas ! que dans le matérialisme païen. La tyrannie s’est exercée au nom de l’esprit comme elle s’était exercée au profit de la chair ; et les autels élevés dans l’antiquité aux dieux de la force n’ont pas été souillés de