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INTRODUCTION.

nous avons, dans le régime social actuel, au lieu de l’inégalité des forces musculaires, l’inégalité des moyens de développement ; au lieu de la lutte corps à corps, la lutte de capital à capital ; au lieu de l’abus d’une supériorité physique, l’abus d’une supériorité convenue ; au lieu de l’homme faible, l’ignorant ; au lieu de l’homme impotent, le pauvre. Où donc est la liberté ?

Elle existe assurément, et même avec la facilité de l’abus, pour ceux qui se trouvent pourvus des moyens d’en jouir et de la féconder, pour ceux qui sont en possession du sol, du numéraire, du crédit, des mille ressources que donne la culture de l’intelligence ; mais en est-il de même pour cette classe, si intéressante et si nombreuse, qui n’a ni terres, ni capitaux, ni crédit, ni instruction, c’est-à-dire rien de ce qui permet à l’individu de se suffire et de développer ses facultés ? Et lorsque la société se trouve ainsi partagée, qu’il y a d’un côté une force immense, et de l’autre une immense faiblesse, on déchaîne au milieu d’elle la concurrence, la concurrence qui met aux prises le riche avec le pauvre, le spéculateur habile avec le travailleur naïf, le client du banquier facile avec le serf de l’usurier, l’athlète armé de pied en cap avec le combattant désarmé, l’homme ingambe avec le paralytique ! Et ce choc désordonné, permanent, de la puissance et de l’impuissance, cette anarchie dans l’oppression, cette invisible tyrannie des choses que ne dépassèrent jamais en dureté les tyrannies sensibles, palpables, à face humaine… Voilà ce qu’on ose appeler la liberté !

Il est donc libre de se former à la vie de l’intelligence, l’enfant du pauvre qui, détourné par la