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ORGANISATION

est parvenu à renouer, pour le peuple, la chaîne, en mille endroits brisée, des traditions. Personne assurément n’a travaillé à une œuvre historique avec plus d’amour, avec plus de persévérance que M. Monteil ; personne n’a mis dans l’accomplissement d’une résolution littéraire une plus grande part de sa vie. Que serait-il advenu si, pendant les trente ou quarante années qu’il a consacrées à son ouvrage, M. Monteil n’avait attendu ses moyens d’existence que de ses livres ? Ce qui serait advenu ? Je n’ose le dire, et vous le devinez. Mais, dieu merci ! M. Monteil avait une âme intrépide et haute. Pour se défendre contre l’extrême pauvreté, il a eu recours à une industrie honorable : il a vendu les matériaux mêmes de ses études ; il a vendu les manuscrits précieux qu’il avait recueillis çà et là dans son voyage de découvertes. C’était Rousseau copiant de la musique. Grâce à cette courageuse conduite, M. Monteil a vécu, non pas à l’abri des privations, mais à l’abri des caprices du public. Il est resté maître de lui, maître de son œuvre.

Supposez qu’au lieu d’écrire l’histoire pour faire triompher la vérité, il ne l’eût écrite que pour gagner de l’argent ; supposez qu’au lieu de chercher ses moyens d’existence dans la vente de manuscrits ignorés, il eût spéculé sur ses livres ; l’impatience du succès l’aurait gagné, il aurait écrit beaucoup plus vite, beaucoup plus mal. À