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ORGANISATION

a-t-on bien songé ? Lorsqu’un homme qui demande à vivre en servant la société en est fatalement réduit à l’attaquer sous peine de mourir, il se trouve, dans son apparente agression, en état de légitime défense, et la société qui le frappe ne juge pas : elle assassine.

La question est donc celle-ci : la concurrence est-elle un moyen d’assurer du travail au pauvre ? Mais poser la question de la sorte, c’est la résoudre. Qu’est-ce que la concurrence relativement aux travailleurs ? C’est le travail mis aux enchères. Un entrepreneur a besoin d’un ouvrier : trois se présentent. Combien pour votre travail ? — Trois francs : j’ai une femme et des enfants. — Bien. Et vous ? — Deux francs et demi : je n’ai pas d’enfants, mais j’ai une femme. — À merveille. Et vous ? — Deux francs me suffiront : je suis seul. — À vous donc la préférence. C’en est fait : le marché est conclu. Que deviendront les deux prolétaires exclus ? Ils se laisseront mourir de faim, il faut l’espérer. Mais s’ils allaient se faire voleurs ? Ne craignez rien, nous avons des gendarmes. Et assassins ? Nous avons le bourreau. Quant au plus heureux des trois, son triomphe n’est que provisoire. Vienne un quatrième travailleur assez robuste pour jeûner de deux jours l’un, la pente du rabais sera descendue jusqu’au bout : nouveau paria, nouvelle recrue pour le bagne, peut-être !