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ORGANISATION

Que de larmes représente chacun de ces chiffres ! Que de cris d’angoisse ! Que de malédictions violemment refoulées dans les abîmes du cœur ! Voilà pourtant la condition du peuple à Paris, la ville de la science, la ville des arts, la rayonnante capitale du monde civilisé ; ville, du reste, dont la physionomie ne reproduit que trop fidèlement tous les hideux contrastes d’une civilisation tant vantée : les promenades superbes et les rues fangeuses, les boutiques étincelantes et les ateliers sombres, les théâtres où l’on chante et les réduits obscurs où l’on pleure, des monuments pour les triomphateurs et des salles pour les noyés, l’arc de l’étoile et la morgue !

C’est assurément une chose bien remarquable que la puissance d’attraction qu’exercent sur les campagnes ces grandes villes où l’opulence des uns insulte à tout moment à la misère des autres. Le fait existe pourtant, et il est trop vrai que l’industrie fait concurrence à l’agriculture. Un journal dévoué à l’ordre social actuel reproduisait naguère ces tristes lignes tombées de la plume d’un prélat, l’évêque de Strasbourg : « autrefois, me disait le maire d’une petite ville, avec trois cents francs je payais mes ouvriers ; maintenant mille francs me suffisent à peine. Si nous n’élevons très haut le prix de leurs journées, ils nous menacent de nous quitter pour travailler dans les fabriques. Et cependant, combien l’agricul-