Page:Blanc - L’Organisation du travail.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
ORGANISATION

fatalité des conséquences. Voilé sans être détruit, le mal germera, il grandira sous les apparences du bien, mêlant une déception à chaque progrès, et sous chaque bienfait cachant un piége.

On sait si l’institution de la Caisse-d’Épargne a manqué de panégyristes et d’admirateurs.

Des publicistes sincères y ont vu pour le peuple un moyen de s’affranchir en s’élevant peu à peu à la richesse par la prévoyance : illusion profonde, dans une société qui mesure au peuple, d’une main si avare, non pas seulement le plaisir, mais la vie ! Le salaire des ouvriers ne suffit pas toujours à leur existence : comment suffirait-il à leurs économies ? La maladie, le chômage, attendent pour l’absorber le petit pécule des moins malheureux : comment ce pécule servirait-il à composer le capital du futur affranchissement des prolétaires ?

Aussi la Caisse-d’Épargne n’est-elle alimentée qu’en partie par les bénéfices du travail honnête. Recéleuse aveugle et autorisée d’une foule de profits illégitimes, elle accueille, après les avoir à son insu encouragés, tous ceux qui se présentent, depuis le domestique qui a volé son maître, jusqu’à la courtisane qui a vendu sa beauté.

On conseille au prolétaire d’amasser pour l’avenir : c’est lui dire de transiger avec la faim, d’étouffer en lui le germe impérissable du désir d’ajouter par sa volonté aux misères de sa condi-