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DU TRAVAIL.

tion. Et pourquoi ? Pour arriver à la possession d’un mince capital, proie réservée à la concurrence, après dix ans de privations et d’angoisses, quand le cœur vieilli ne bat plus pour le bonheur, quand l’homme a passé l’âge des fleurs et du soleil.

Mais la question a une portée plus haute. Il n’est pas sans danger dans une civilisation fausse et inique, de placer le peuple sous la dépendance de qui le gouverne. Lié par un intérêt étroit et factice au maintien des oppressions qui pèsent sur lui, ne pourrait-il pas se trouver enchaîné à son sort par la crainte de voir s’engloutir dans les hasards d’un changement social les quelques oboles, si douloureusement amassées. Et que n’oserait point contre les hommes du peuple un pouvoir devenu tyrannique, lorsqu’il disposerait de leur épargne, lorsqu’il tiendrait suspendu sur eux la menace d’une banqueroute, lorsqu’il lui serait loisible de les traîner à sa suite, esclaves de ses périls et complices des excès mêmes dont on les rendrait victimes ?

En soi, l’épargne est chose excellente : il n’y aurait à le nier qu’affectation puérile et folle. Mais — qu’on le remarque bien — combinée avec l’individualisme, l’épargne engendre l’égoïsme, elle fait concurrence à l’aumône, elle tarit imperceptiblement dans les meilleures natures les sources de la charité, elle remplace par une satisfac-