Page:Blanc de Saint-Bonnet - La douleur, Maison de la bonne presse, 1911.djvu/26

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a verdi vers le haut, on ne sait plus où l’abriter des souffles de la terre.

La sensibilité a pris des proportions qu’elle n’avait pas dans l’antiquité. Cette sorte de douleur que nos temps appellent mélancolie naît d’une inquiétude particulière dont les anciens ont ignoré le nom. Elle semble venir aujourd’hui à la suite de toute grande faculté. Comparons l’âme de Manfred ou de René à celle des héros d’Homère ! Les anciens se contentaient de la nature : que dire au moderne agité du sentiment de l’Infini, et qui s’attend à y donner une satisfaction en ce monde ?

L’amour est devenu trop sensible pour ne pas tenir le cœur exposé à toutes les blessures dans l’ordre entier des affections, et la conscience, trop éclairée pour s’enfermer paisiblement dans la pratique de chaque jour. Exaltations généreuses, amours irrassasiés, enthousiasmes inapplicables entés sur des volontés affaiblies, tout nous assaille et tout s’apprête à nous dévorer comme une proie intérieure. L’homme se trouve en même temps chargé du mystère de son existence et du poids de plus en plus lourd de son cœur.

Les transports d’une Foi qui par malheur s’éteint