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BOUCHERIE, 5-12.

voir et de leur influence pour maintenir les maires dans la voie d’un régime de liberté conforme aux vues du Gouvernement.

Du reste, depuis qu’un acte émanant du chef de l’État a déclaré le commerce de la boucherie libre à Paris, la tendance des autorités locales, dans les villes de province, à recourir, pour ce commerce, à des mesures réglementaires et restrictives, s’est beaucoup atténuée.

5. L’usage de taxer le prix de la viande ne s’est pas, à beaucoup près, aussi généralisé que celui de taxer le prix du pain. Cette différence tient surtout à la difficulté de tenir compte, dans un tarif, des prix de la viande, de la diversité de valeur des articles que le boucher livre au consommateur. Dans l’impossibilité d’établir un pareil tarif, on a souvent recours à un système de prix moyens, auquel on reproche d’être défavorable au petit consommateur, qui paie ainsi les bas morceaux à un prix supérieur à leur valeur réelle. L’administration supérieure, par l’intermédiaire des préfets, agit autant que possible sur les autorités municipales pour les engager à ne pas faire usage d’un droit qu’elles ne peuvent exercer sans se créer de grands embarras et une grave responsabilité. On peut citer particulièrement une circulaire du 27 décembre 1864 où sont énumérées toutes les conditions nécessaires pour l’établissement d’un bon tarif de taxe de la viande et toutes les difficultés qu’il faut surmonter pour les remplir.

chap. iii. — commerce de la boucherie dans Paris.

6. Avant 1789, le commerce de la boucherie était, à Paris, comme partout ailleurs, sous le régime des corporations industrielles, et il était régi, en dernier lieu, par les dispositions des lettres patentes du roi, en date du 1er juin 1782, enregistrées au Parlement le 10 décembre suivant, servant de statuts et règlements de la communauté des maîtres et marchands bouchers de la ville et faubourgs de Paris.

7. Les lois des 2-17 mars et 14-17 juin 1791, en abolissant les corporations, maîtrises et jurandes et en défendant de les rétablir, eurent pour effet de placer le commerce de la boucherie à Paris, comme toutes les autres industries, dans un état de liberté à peu près complète, sauf, comme on l’a déjà indiqué plus haut, la faculté réservée provisoirement à l’autorité municipale, par l’art. 30 de la loi des 19-22 juillet 1791, de taxer le prix de la viande.

Cet état de liberté subsista jusqu’au commencement du siècle actuel ; mais les troubles intérieurs, les difficultés de l’approvisionnement, l’insuffisance des moyens de police et de surveillance avaient apporté un grand désordre dans le commerce de la viande destinée à l’alimentation de la capitale.

8. Le 28 vendémiaire an XI, le Gouvernement consulaire crut devoir prendre, en vue de remédier aux abus, un arrêté qui soumettait l’exercice de la profession de boucher de Paris à des conditions exceptionnelles, et un peu plus tard, un décret impérial du 6 février 1811 vint confirmer ces dispositions en y ajoutant de nouvelles. Les bases principales de l’organisation ainsi décrétée étaient la limitation du nombre des bouchers et la création d’une caisse, dite Caisse de Poissy, administrée par la ville et chargée de servir d’intermédiaire entre les bouchers et les vendeurs de bestiaux sur les marchés d’approvisionnement de Paris.

9. L’organisation décrétée en 1811 fut maintenue jusqu’en 1825. Mais des plaintes très-vives s’étaient élevées contre le défaut de concurrence résultant de la limitation du nombre des bouchers. Les éleveurs se plaignaient du bas prix des bestiaux qu’ils amenaient sur les marchés, et les consommateurs de la cherté de la viande dans les boucheries de Paris. Une ordonnance royale du 12 janvier 1825 décida la suppression, mais à partir du 1er janvier 1828 seulement, de la limitation du nombre des bouchers. Cette expérience fut de très-courte durée.

10. En effet, une nouvelle ordonnance intervint dès le 18 octobre 1829 et remit en vigueur, en les complétant, les dispositions réglementaires appliquées antérieurement à 1825, c’est-à-dire la limitation du nombre des établissements de boucherie, le syndicat, la nécessité d’une autorisation pour s’établir, le versement d’un cautionnement, l’obligation d’acheter les bestiaux sur certains marchés seulement, l’obligation de les abattre exclusivement dans les abattoirs municipaux, la défense de la vente à la cheville (en gros et demi-gros), la caisse de Poissy, etc.

Ce régime a subsisté pendant près de trente ans, sauf quelques modifications de détail qui y furent successivement apportées, dans le but principalement d’amoindrir le monopole attribué aux bouchers et d’activer la concurrence. Ainsi, le nombre des étaux, qui devait être réduit à 400, fut maintenu à 500, le débit de la viande sur les marchés par les bouchers forains et l’introduction des viandes dépecées venant de l’extérieur furent facilités par des mesures spéciales dont il sera parlé ci-après.

11. Mais la question même de l’organisation du commerce de la boucherie de Paris était l’objet, à plusieurs époques, d’études faites par des commissions spéciales et par l’administration, et en 1850 et 1851 elle donnait lieu à une enquête ordonnée par l’Assemblée législative et dirigée par une commission dont M. Lanjuinais était le président et le rapporteur. La conséquence de ces travaux paraissait devoir être la modification dans un sens plus libéral et plus conforme au droit commun du régime appliqué à la boucherie. Néanmoins, avant de prendre un parti définitif, le Gouvernement, en présence de la cherté croissante de la viande, crut devoir faire l’épreuve de la taxe.

12. Taxe de la viande. C’est en 1855 que l’application de cette mesure fut décidée, et le soin d’en déterminer le mode d’exécution fut confié à une commission spéciale composée de fonctionnaires appartenant au ministère de l’agriculture et du commerce, à la préfecture de la Seine et à la préfecture de police.

La commission reconnut que la fixation du prix de vente des diverses sortes de viandes devait résulter de la combinaison des éléments suivants : 1° le prix du bétail sur pied ; 2° le poids de chaque animal en viande nette ; 3° le poids du cuir ou de la peau ; 4° le poids et le prix des suifs ; 5° la valeur des abats et issues ; 6° le poids