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JURIDICTION ADMIN., 2-5. JURIDICTION ADMIN., e-n. 1163 De longues controverses se sont produites dans la presse et à la tribune ; elles partagent encore les meilleurs esprits. Il semble cependant que la solution du problème ressort naturellement de l’analyse des pouvoirs que comporte le droit d’administrer. . Administrer, c’est pourvoir à l’exécution des lois qui tendent à la satisfaction de tous les besoins collectifs de la société, pour lesquels, à cause de leur nature et de leur multiplicité, la prévoyance individuelle serait insuffisante. Faire prédominer partout les intérêts publics sur les intérêts privés,1 concilier dans une juste mesure les droits de l’État avec ceux des particuliers, user avec la modération de la force et la sagesse de l’expérience, des pouvoirs quelquefois limités, souvent discrétionnaires, qui lui sont conférés par la loi, telle est la mission de l’administration, qui n’est autre chose que le pouvoir exécutif en action.

. Pour atteindre le but qui lui est proposé, elle emploie différents moyens

Tantôt elle procède par mesures générales et réglementaires

Tantôt elle agit par voie de transmission, en portant à la connaissance des administrés les lois et autres actes de l’autorité supérieure, et en reportant au Gouvernement les plaintes etles réclamations des administrés ;

Tantôt elle procure l’action administrative ; Tantôt, enfin, elle agit directement sur les personnes et sur les choses.- Mais dans cette dernière partie de ses attributions, il est possible qu’elle rencontre une opposition dans les intérêts ou les droits privés. Il se peut qu’une résistance surgisse. Dans cette hypothèse, quelle sera l’autorité constitutionnelle chargée d’apprécier la valeur de la réclamation et déjuger cette contestation entre l’administration d’un coté, et les citoyens de l’autre ?

. Lorsque sa réclamation n’est fondée que sur un intérêt lésé par un acte administratif, la difficulté n’existe pas. L’administration est investie d’une autorité de commandement qui a précisément pour but d’imposer aux citoyens les sacrifices jugés nécessaires pour le bien général de l’État. Le recours se portera devant l’administration mieux informée, et par la voie hiérarchique. Le Ministre, dans chaque branche de service public, et, au sommet, le Chef de l’Etat, ont le droit incontestable et incontesté de réformer les actes des agents inférieurs, quoiqu’ils ne puissent que rarement se substituer à eux. ->~5.

Mais lorsqu’un droit reconnu solennellement 1 par la loi aura été violé, ou qu’un contrat souscrit 1 par l’administration elle-même ne sera pas exécuté lorsque nous rencontrerons à la fois un acte spécial ou un fait particulier de l’administration, i suscitant une réclamation fondée sur un droit ac- I quis et se rapportant à un intérêt de l’ordre ad- 1 ministratif, quelle autorité sera appelée à statuer ? Un grand nombre de magistrats, de jurisconsultes, de publicistes, ont proclamé hautement la compétence exclusive de l’ordre judiciaire. Selon eux, toutes les fois qu’il s’agira d’apprécier une plainte fondée sur les termes exprès d’une loi, d’un règlement d’administration publique, d’un décret, d’une ordonnance ou d’un arrêté, de telle sorte que, les faits une fois vérifiés, il ne restera plus qu’à appliquer le texte même de la loi ou de la disposition impérative, les tribunaux ordinaires pourront seuls en connaître. Le droit de l’administration se trouverait alors restreint à l’appréciation des mesures discrétionnaires prises par les agents. Il nous sera facile de démontrer que cette opinion repose sur une confusion profonde. 6. Le contentieux administratif existe aussi bien que le contentieux judiciaire ; mais il en diffère essentiellement, et quant à sa nature, et quant aux règles d’interprétation et de procédure auxquelles il est soumis.

. Les tribunaux civils, en effet, n’ont qu’une mission terminer les contestations qui peuvent s’élever entre particuliers ; et quoique l’État soit intéressé à ce qu’une justice égale et impartiale soit distribuée entre tous les citoyens, on ne peut pas dire cependant que l’ordre général soit troublé par une sentence inique ou mal fondée en droit. Cette mission, l’ordre judiciaire l’accomplit, sans avoir égard ni aux personnes, ni aux conséquences, souvent irréparables, qui peuvent résulter de son jugement. Il n’a qu’une règle, la loi, inflexible comme les vérités dont elle s’inspire, et il statue d’après une procédure longue, sévère et compliquée, parce qu’il ne faut rien laisser à l’arbitraire lorsque l’état et la propriété des personnes sont en jeu.

. Dans les contestations administratives, au contraire, que trouvons-nous ? D’un côté l’administration, de l’autre un particulier. Quels motifs doivent dicter la décision des juges ? La prédominance de l’intérêt général sur tes résistances individuelles. D’après quelles formes devront-ils

procéder ? Avec unecélérité, une latitude d’appréciation qui ne peuvent se rencontrer dans les différends civils. En un mot, non-seulement le contentieux administratif n’a pas été enlevé à l’ordre judiciaire, mais la nature même de sa constitution lui défendait d’en connaître. Il est bien vrai que certaines classes de contestations, par exemple celles qui sont relatives aux biens nationaux vendus révolutionnairement, ont été attribuées à des juridictions administratives ; mais il ne faut voir là qu’une exception fondée sur des nécessités politiques. 9. Il existe donc deux espèces de contentieux l’un purement judiciaire et dont la connaissance est et doit être attribuée aux tribunaux ordinaires ; l’autre essentiellement administratif, qui doit ressortir une juridiction particulière souverainepour l’apprécier, comme les tribunaux civils le sont dans la sphère des intérêts privés. L’un n’est pas le démembrement de l’autre, et d’aucun côté on ne peut dire qu’il y ait eu empiètement ; car la séparation de l’autorité judiciaire et de l’autorité administrative est, depuis soixante ans, un des principes fondamentaux de notre droit public. 10. Mais où placer les tribunaux administratifs ? Dans l’administration elle-méme, sous peine de rendre son action impossible ou dépendante. 11. En effet, gouverner, en faisant régner partout des lois uniformes dans leur application, pourvoir aux besoins sans cesse renaissants d’une association nombreuse qui doit vivre de la vie physique, morale et intellectuelle, se conserver