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4166 JURIDICTION ABMIN., 28-31. JURIDICTION ADMIN., 32-35. marchés de fournitures passés avec la régie (Arr. régi. 9 therm. an /A), ou de difficultés survenues pour l’nterprétation des baux entre les communes et les fermiers de l’octroi (D. 17 mai 1809) ; en matière de grande voirie, sur le recours formé contre l’arrêté du sous-préfet (L. 29/for. an X) ; de voirie urbaine, sur le recours formé contre l’arrêté du maire. {L. 29 Jlor. an X.) . Les sous-préfets enfin et les maires sont aussi de véritables juges dans un petit nombre de cas on pourrait citer, comme conférant ce droit aux premiers, l’arrêté du 8 prairial an XI, sur les contestations qui peuvent s’élever au sujet du paiement de l’octroi de navigation, et la loi du 21 mars 1832, sur le recrutement de l’armée ; pour les secours, les !ois des 16-24 août 1790, 23 juin 1806, 28 avril 181G, etc.

. Sans doute, cette compétence personnelle des fonctionnaires directs de l’administration a été violemment attaquée par quelques auteurs, niée même par un grand nombre ; mais comment nier la juridiction administrative là où on trouve une réclamation suscitée par un acte administratif, fondée sur un droit acquis et appréciée par un magistrat qui fait l’application de la loi ? Comment en attaquer sérieusement l’utilité ou la nécessité quand on songe que la séparation des pouvoirs est le principe fondamental de toutes les constitutions qui nous ont régis depuis 1791,. quand on réfléchit surtout à l’impossibilité absolue d’énumérer limitativement tous les cas de contentieux administratif pour les attribuer à des tribunaux déterminés, puisque toute loi administrative qui confère un droit à un citoyen peut donner lieu à un litige. En dehors donc de tous les cas spécialement dévolus à des juridictions établies, la décision n’appartient et ne peut appartenir qu’aux agents de l’administration elle-même ; et les particuliers trouveront auprès d’eux une sécurité aussi grande qu’auprès des tribunaux ordinaires, puisqu’au sommet de la hiérarchie le Conseil d’État ressaisira sa compétence et connaîtra souverainement des décisions des ministres et des préfets.

. Mais ce que la loi n’avait pu faire, la science du droit administratif l’a fait. C’est elle qui, en se pénétrant de la pensée du législateur, en allant jusqu’aux principes généraux qui l’ont inspiré, en étudiant la jurisprudence du Conseil d’Etat, a formulé les caractères essentiels qui constituent le contentieux administratif. Ces caractères sont les suivants il faut

f" 2° Que la réclamation, pour qu’onpuisse exercer cc recours, doit être fondée sur des droits certains ° Qu’il y ait un acte spécial ou un fait particulier de l’administration ;

° Que la réclamation contre cet acte soit fondée sur un droit acquis ;

° Que la réclamation se rapporte à un intérêt de l’ordre administratif.

. Il résulte de ces trois règles

° Que tous les actes de commandement. c’està-dire ceux qui émanent de l’administration en vertu de son droit de pourvoir aux besoins collectifs de la société, que les actes du pouvoir discrétionnaire ou facultatif qu’elle tient de son devoir de surveillance et de protection, ne peuvent pas donner lieu à un recours contentieux

et d’un caractère actuellement irrévocable, naissant soit d’une loi administrative, d’un décret, d’un contrat administratif ou d’une loi de 1 ordre civil U- 3° Enfin, quela contestation ait pour objet un intérêt né des circonstances politiques de la Révolution de 1789, un intérêt d’ordre purement administratif ce qui exclut, sauf quelques exceptions motivées par la nature même des choses, les intérêts de l’ordre réel, de simple jouissance ou des revenus, et les intérêts de l’ordre constitutionnel, civil et pénal.

. Télle est la théorie rationnelle de la juridiction administrative, juridiction longtemps contestée mais incontestable, et sans laquelle le principe posé pour la première fois dans la loi du 16-24 août 1790 serait resté une lettre morte. Mais ce n’était pas assez d’avoir établi les règles fondamentales, d’avoir créé des tribunaux, d’avoir protégé les fonctionnaires administratifs par la garantie constitutionnelle de l’art. 75 de la Constitution de l’an VIII1, il fallait encore prévoir le cas où l’ordre viendrait à être renversé, où l’autorité judiciaire et l’autorité administrative se disputeraient de connaltre d’un litige qui leur serait soumis ; en un mot, où il y aurait conflit positif ou négatif. Nous croyons inutile d’entrer ici dans des détails, cette matière ayant été traitée au mot Conflit.

. Nous avons établi qu’en droit il doit y avoir une juridiction administrative. Cette juridiction existe. Il nous reste à voir quel est le caractère des jugements émanés des tribunaux administratifs et quelle en est la force exécutoire. . On qualifie souvent d’extraordinaire la juridiction administrative par rapport à la juridiction civile, qu’on appelle ordinaire. Cette distinction est vraie, si l’on veut dire par là que les tribunaux administratifs ne connaissent pas de l’exécution de leurs jugements car, une fois la sentence rendue, comme, en général, elle se résout en des condamnations sur les biens des justiciables, on retombe sous l’empire des lois communes. Mais elle est fausse, si l’on veut entendre par là que les matières soumises aux juges administratifs sont un démembrement de la compétence judiciaire, comme les affaires commerciales, par exemple. Les deux justices sont, à raison de leur nature même, indépendantes absolument l’une de l’autre. Elles n’ont rien de commun, ni quant à leur nature, ni quant à leurs formes de procéder, ni quant à leurs principes, et nous ne pouvons que répéter ici ces paroles de HENRION DE PANSEY «Si le juge ordinaire et territorial n’a pas le droit de connaître des affaires administratives, ce n’est pas qu’à cet égard sa compétence soit restreinte, c’est qu’elle ne s’est jamais étendue jusque-là. » 35. La force exécutoire des jugements émanés des autorités administratives est aussi pleine, aussi entière que celle qu’obtiennent les tribunaux de première instance et des cours d’appel. Comme eux, ils emportent hypothèque et contrainte par corps ; ils n’ont besoin ni de visa, ni du mandement d’aucune autorité. La doctrine contraire, qui s’était produite quelque temps après l’institution des conseils de préfecture, n’était en aucune 1. Cette disposition a été effacée de nos lois. (Foy. S’article Fonctionnaire, «° :’0.)