Page:Block - Dictionnaire général de la politique, tome 2.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Plus tard, l’intervention fréquente du pouvoir monarchique dans son gouvernement intérieur fut une des causes actives de sa décadence. Sous l’ancien régime, et dès que ce pouvoir prévalut, la Sorbonne et toutes les institutions pédagogiques formèrent une espèce de chaos où les ordres religieux, les pouvoirs locaux, le pouvoir central, l’anarchie accouplée à la réglementation excessive, se disputèrent l’infiuence sans arriver jamais à une propagation tant soit peu sérieuse et méthodique des idées et de l’enseignement.

La première loi fondamentale sur cet important service public date de 1793. La Convention fonda d’abord l’école normale sur un plan admirable que Napoléon eut le tort d’abandonner, et un peu plus tard, les écoles centrales, excellente institution, dont on aurait pu tirer nn parti merveilleux avec quelques réformes. Le gouvernement du 18 brumaire les supprima. Cependant il fallait les remplacer d’une manière quelconque. Napoléon 1" était dans un extrême embarras et il n’aboutit d’abord qu’à des plans chimériques. Il adorait la discipline ; il fut frappé de celle du clergé ; et sa première idée fut de constituer, sous le nom d’tMfersité, et avec les débris des oratoriens, une sorte de vaste clergé semi-laïque, semi-religieux, qui, mêlant César et Pierre dans un culte commun, enseignerait et disciplinerait les jeunes générations de par l’État et au profit de l’État. Les professeurs, dans ce plan primitif, étaient condamnés au célibat ; ils étaient astreints à des croyances et à des pratiques religieuses ; ils devaient se retirer, devenus émérites, dans des maisons spéciales, j’ai presque dit dans des couvents. Inutile d’ajouter qu’ils avaient pour tâche principale de prêcher en français, en grec, en latin, au nom de Dieu et an nom du préfet de police, l’amour de l’Empire et de l’Empereur. La correspondance de Napoléon avec Fourcroy ne laisse aucun doute sur ses projets à cet égard, et ils doivent peu étonner de la part de cet homme trop complétement jeté dans le moule antique et italien pour pouvoir comprendre les idées modernes, et qui croyait, comme les anciens, à la mission supérieure, providentielle et universelle du gouvernement. Cependant ses projets, par là même, avaient un caractère excessif et peu pratique, qui contraignit de les abandonner en partie. Dans l’organisation définitive de l’Université, il ne fut plus question du célibat des professeurs et de leur retraite presque conventuelle. Mais, si les détails les pins bizarres et les plus caractéristiques du plan primitif disparurent devant la force des choses, l’esprit qui les avait inspirés demeura. L’Université, que nous avons vue en 1828, puis en 1845. conquérir des destinées si brillantes, l’Université des Cousin, des Guizot, des Villemain, des Jules Simon, l’Université, composée d’hommes de lettres indépendants, enseignant sous leur responsabilité personnelle, n’a donc rien de commun que le nom avec l’Université de l’empereur Napoléon, qui avait voulu constituer en elle une vaste corporation semblable à la fois à un clergé laïque et à un régiment intellectuel. La vraie Université, l’Université qui a fourni une si nombreuse légion d’hommes d’élite à la philosophie, aux lettres, à la science, à la politique, est Bile non de l’Empire, mais de la liberté. Elle ne date pas de i808 elle date de l’époque où une commission, présidée par Royer-Collard, commença une réforme, timide encore, mais heureuse dans les études, et conféra aux professeurs des garanties sérieuses de leur indépendance. C’est aussi à la même époque que les facultés, cette de Paris surtout, commencent à jeter un vif éclat et à remuer les idées du public. Il est vrai que si l’esprit de la Charte favorisait l’enseignement public, le pouvoir, sous certains ministres, lui était profondément hostile ; des professeurs distingués furent réduits au silence, t’éeote normale fut un instant supprimée mais ces efforts violents de compression prouvent eux-mêmes

combien l’Université éloquente et libérale s’était rapidement dégagée de l’Université impériale. L’éclat de l’enseignement supérieur rejaillissait sur l’enseignement secondaire, qui donnait une place un peu plus large à la philosophie, à l’histoire, aux langues vivantes, aux sciences naturelles, à la littérature. Le professeur du collége, dans lequel on voyait déjà un futur professeur de la faculté c’est-à-dire un futur orateur, cessait d’être ce vieil oratorien, ce, pédagogue barbouillé de latin, qu’on avait vn jadis siéger dans les établissements universitaires armé d’une férule. Le progrès fut plus rapide encore après la révolution de Juillet. La Restauration avait laissé se développer l’instruction secondaire ; elle avait créé, on peut le dire, l’instruction supérieure qui, avant elle, n’était que rudimentaire ; la révolution de JuHlet créa l’instruction primaire. Les bénéfices de l’enseignement, auxquels ne participaient que quelques milliers de familles, furent étendus à des millions d’enfants par l’immortelle loi de 1833, due à l’initiative de M. Guizot, mais bien plus encore à l’esprit général de liberté qui régnait alors et qui nous rendait dignes de nos pères de 1789.

Cependant il ne faudrait pas s’abuser et croire que depuis cette époque nous jouissons en France d’une instruction publique qui laisse peu à désirer. La liberté a pu être adorée parmi nous aux moments glorieux de notre histoire, =’mais elle n’a jamais, jusqu’ici, été bien conr ` ;` prise. n s’ensuit que notre enseignement pn- r blic, gêné par ses origines et par l’esprit même g de sa fondation, a laissé se développer dans ses rangs des hommes supérieurs et même des théories philosophiques ou historiques d’M6 incontestable valeur, mais qu’il a toujours été fort mal organisé ce qu’y a introduit la liberté est excellent, mais ce que le principe d’autorité y a mis est, aux yeux des juges sans prévention, une des choses ies plus étrangement surannées dont on puisse avoir le spectacle. C’est ce qn’it sera faciie de démontrer par nM exacte aralyse de l’organisation de nos trois degrés ~instruction. Toutefois nous laisserons