Page:Block - Dictionnaire général de la politique, tome 2.djvu/158

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quement amnistier en certains cas la calomnie, t’impudicite, le vol et même l’&ssassinat ? Le fait est que les citations de Pascal sont exactes ; elles ont même Été solennellement vérifiées. « Les écrits intitulés Lettres a MK prout~cte~. ayant paru en !G56, qui découvraient un grand nombre de pernicieuses maximes tirées des livres des nouveaux casuistes, M. de Saint-Roch, syndic des curés de Paris, en donna avis dans leur assemblée ordinaire du 12 mai ÏG56, et dit que si les propositions contenues dans ces lettres étaient fidèlement extraites des casuites, il jugeait que la compagnie devait demanderla condamnation de ces pernicieuses maximes, et que, s’il n’était pas véritable qu’elles fussent des auteurs auxquels elles étaient attribuées, il fallait demander la condamnationdes lettres mêmes." (7~ écrit des curés de Paris, ~M)M/e< de la Me !f7e’~ t.V, p. 139.) Déjà les curés de Rouen s’étaient livrés à cette YériBcation authentique, et voici en quels termes l’assemblée curiaie de Paris rend compte de leur enquête « Ils délibérèrent dans une de leurs assemblées de consulter les livres d’où les Z.e~-M~’oM’MCM~M rapportent ces propositions, afin d’en faire des recueils et des extraits fidèles. et d’en demander !a condamnation par les voies canoniques, si elles se trouvaient dans les casuites, de quelque qualité et condition qu’elles fussent, et, si elles ne s’y trouvaient pas, abandonner cette cause, et poursuivre en même temps la condamnation des Lettres proMKCM/e~ qui alléguaient ces doctrines et qui en citaient lesauteurs.lLs LES TROUVÈRENT DANS LES OMGMAUX ET DANS LEURS SOURCES, MOT POUR MOT, COM~E ELLES ÉTAIENT crrËES ; ils en firent des extraits, et rapportèrent le tout à leurs confrères dans une seconde assemblée, en laquelle, pour une plus grande précaution, il fut arrêté que ceux d’entre eux qui voudraient être plus éclairés, se rendraient avec les députés en un lien où étaient les livres, pour it consulter derechef et en faire telles conférences qu’ils voudraient. Cet ordre fut gardé, et les cinq ou six jours suivants, il se trouva dix ou douze curés à la fois qui firent encore les recherches des passages, qui les collationnèrent sur les auteurs et en demeurèrent satisfaits. Sur cela, les curés de Rouen résolurent de présenter requête en leur nom à monseigneur leur archevêque. pour la condamnation de ces maximes. (/&t< p. t40.)

Mais ce ne sont pas seulement les casuites proprement dits, Escobar en tète, qui ont amnistié les faits les plus coupables ; les théologiens les plus graves et les plus autorisés de la compagnie ont proposé des maximes de relâchement qui étonnent au premier abord,

mais que nous expliquerons plus tard. Suarez notamment a soutenu sur le serment une théorie qui scandalisait profondément Bossuet et~ui lui faisait dire a Je ne connais rien de plus pernicieux que l’opinion de ce jésuite.. Voici du reste les propres paroles de Suarez Je dis premièrement qu’il n’y a point intrinsèquement de BMl à user d’e~MtM~Me~ même

en faisant un serment. Si quelqu’un apronth ou contracté extérieurement sans intention de promettre, interrogé par le juge et sommé de déclarer, sur la foi du serment, s’il a promis on s’il a contracté, ilpeut simplement dire que non, car cela peut avoir un sens légitime, à savoir, je M’a !pfMp ?’omt~ d’une promesse qui m’oblige. Si quelqu’un a emprunté de l’argent qu’il a payé dans la suite et que néanmoins on le lui demande encore en justice et qu’il ne puisse pas y établir qu’il a payé, dans ce cas, interrogé par le juge, il peut nier absolument qu’H ait emprunté cet argent, il soosentemh’a qu’U n’a pas emprunté cet argent. une seconde fois après l’avoir payé une première. »

Si l’on examine d’un peu près la morale des Jésuites, on verra qu’elle est dominée par deux principes, et deux principes en accord parfait avec leur idée première, avec leur mode d’organisation. Le premier, c’estqu’ils’agit surtout de faire régner la paix et le bon ordre parmi les hommes ; la vérité pure, la justice absolue, l’idéal en un mot, sont de peu de prix à leurs yeux ils donnent licence à une femme de livrer son honneur pour sauver sa vie, car, dit un casuiste, la vie est un pins grand bien que l’honneur le jésuitisme est tout entier dans ce mot. L’autre principe des casuistes est que la faute est constituée non par une dérogation à l’ordre idéal, mais par un consentement explicite au caractère mauvais de l’acte, ce qui revient à dire que l’intention générale de faire le bien tant qu’elle n’est pas abrogée formellement en nous par une intention contraire, innocente toutes nos déterminations et tous nos sentiments « Si un homme, dit Réginaid (P/’a.M~b/’t paHM<eM<t<e, liv. H, ch. v, sect. 3), si un homme pense à un objet et s’y arrête avec délectation, mais sans remarquer que cet objet de délectatio.n lui est interdit, il est entièrement sans péché, quand même il demeurerait livré tout un jour à cette délectation, pourvu que la vohMtté soit dans une disposition ferme de s’y refuser, autant que possible, s’il y avait fait attention. ·

Tels sont les principes équivoques qtd ont produit le probabilisme, doctrine étrange qui sembi’* le plus audacieux des paradoxes de l’immoralité et qui a été l’enseignement presque universel de la compagnie. Cependant Pascal nous semble suivre l’élan de la passion janséniste plutôt qu’obéir à la vérité pure, lorsqu’il voit dans cette doctrine une abominable tactique employée par les Jésnites pour se rendre maîtres de tontes les consciences en autorisant ici toutes les austérités, là, tous les vices et même tous les crimes. Quand l’autorité est substituée, en morale, à la ; raison individuelle, il est naturel de croire que. toutes les fois que cette autorité est partagée, l’individu, dèponryn de toute règle iotcrieure. a licence de faire ce qui lui semble le plus profitable. En enseignant le probabilisme, les Jésuites se sont donc tout simplement conformés, sans trahison perfide contre la morale humaute,~ i leur doctrine ultraautoritaire.