des choses religieuses à deux de ses disciples,
dont l’un, le fau-Tscben-Lama, eut la charge
d’enseigner, et l’autre, ]o Dalai-Lama ( ou
mieux Ta)é-Lama), de veiller sur la discipline.
Dans une ég)ise où tout se réduit en définitive
à des pratiques, le chef de la discipline devait
éclipser bientôt le chef de l’enseignement, et
c’est ce qui est arrivé. Le Dalai-Lama est devenu
le souverain pontife, en même temps que
le souverain du Tibet. Le Pau-Tsclien-Lama
n’est en quelque sorte que son adjoint. Le premier
réside dans uu des coavents du mont Potala,
à un quart de lieue de Lhassa, et le second
au couvent de Lhoun-Po, dans le Tibet
inférieur. Le Dalai-Lama a pour son vicaire daus
la Mongolie le grand lama de Khourcn.
Sans être les égaux de ces éminents personnages.
les supérieurs des couvents sont, comme
eux, des Chouhiighaus (ceux qui renaissent),
c’est-à-dire des incarnations des Dodbisaftvas,
êtres divins qui, pour maintenir toujours parmi
les faibles humains la bonne doctrine du salut,
ne cessent jamais de se manifester sous une
forme humaine. H suit de cette croyance que,
quand un lama meurt ou, pour parier le fangage
de la religion Jamaïque, s’est dépouillé
de son enveloppe terrestre, il faut, pour lui
donner un successeur, découvrir sous quelle
nouvelle enveloppe terrestre a bien voulu apparaltre
le Bodhisattva dont il était l’incarnation.
Voici comment les choses se passent depuis
la fin du siècle dernier, c’est-dire depuis que
l’empereur de Chine, sous le prétexte de protéger
et d’honorer le Dalai-Lama, l’a débarrasse
dn soin de gouverner le Tibet. Quel que soit le
haut dignitaire du lamaïsme qu’il s’agisse de
remplacer, on recueille et envoie à Lhassa,
au couvent de La-Drang, les noms des enfants
màles nés depuis la mort du lama auquel on
cherche un successeur. l’armi les enfants inscrits
on eu désigne trois qui portent la marque
de Choubilgbau, ce que les lamas et le devin
en chef sont appelés à constater, sous l’inspiration,
bien entendu, des délégués chinois qui
ont soin de choisir ceux dont les familles offrent
quelques garanties à leur gouvernement.
Les trois noms sont placés dans une urne d’or
envoyée pour cet usage à Lhassa en 1792
par l’empereur de la Chine, et après que les
hauts dignitaires du clergé lamaïque, réunis en
conclave, se sont préparés à cette cérémonie
par six jours de retraite, déjeunes et de prières,
un des bulletins est tiré de l’urne par le doyen
d’âge ; l’enfant désignépar le sort est proclamé
successeur du lama décédé, et les deux autres
reçoivent un présent comme uche de consolation.
Quand il s’agit de remplacer le Daiai-Lama,
le tirage au sort a lieu à PéJiing, en présence
de hauts fonctionnaires chinois et sous
la présidence du Tschau-Tscha, délégué et représentant
de l’Eglise lamaïque auprès de
l’empereur de la Chine. Pour s’assurer que le sort ne s’est pas trompé, en désignant le nouvel élu pour le même personnage qu’il est apans, à remplacer ou, pour mieux dire à conpeléer, 1 enfant arrivé à l’âge de quatre ou cinq tinu doit prouver qu’il a quelques souvenirs de son existence antérieure. M n’arrive jamais que, dans cet examen, il commette quelque méprise. Ce mode de nomination aux hantes fonctions ecclésiastiques ne parait guère propre à mettre à la tête de l’Église des hommes éminents ; mais en vérité, rien n’est moins nécessaire. Toute l’affaire d’un lama consiste à se laisser vénérer avec la dignité convenable, à savoir varier ses bénédictions selon le rituel et à exécuter avec la plus stricte exactitude les pratiques du culte. Il est facile de dresser un enfant à ces divers exercices. S’il se présente un c~ ditncile, il a auprès de lui quelques reiigicux habiles et rompus aux affaires : c’est entre leurs maius que se trouvent les ûfs qui font mouvoir l’automate, quand il est indispensable qu’il sorte de son repos. D’ailleurs depuis 1792. les véritables directeurs sont les deux délégués chinois qui résident à Lhassa. On se tromperait cependant si l’on croyait que tous les Daiai-Lamas ont été de vaines ombres. U y a eu parmi eux, surtout au saizième etau dix-septième siècle, des bommesqui surent conduire les .maires de leur Église avec un rare talent et étendre leur influence sur les peuples voisins avec une étonnante habileté. Leur prudence égala peut-être un peu trop souvent celle du serpent, et la facilité avec laquelle ils employèrent les fraudes pieuses au profit de leur ambition, jette bien quelque ombre sur leur caractère moral ; mais il ne fut pas toujours à leur choix de se servir d’autres armes il est probable d’ailleurs qu’à leurs yeux la fin sanctifiait les moyens, et il faut ajouter que l’habitude ne leur laissait guère de scrupules sur l’emploi de la duplicité et des miracles apocryphes. Tous n’ont pas cependant donné dans les erreurs d’une politique tortueuse. Il y a eu de nobles caractères parmi les hauts dignitaires de I’Ëgiise lamaïque. Il faut citerentreautres le Pan-Tschen-Erténi qui mourut à Pékin en 1780, victime peut-être de la politique chinoise, et dont il est si souvent question dans le récit de l’ambassade de Turner au Tibet.
Le lamaïsme, ce qui précède en a donné une preuve suffisante, est une religion trèspeu spiritualiste, ne s’élevant guère au-dessus du simple opus ope ?’a<Mm. Des pèlerinages, des processions, des offices continuels dans les temples, la répétition sans fin de formules d’oraison, principalement de la prière de six syllabes, la constituent à peu près tout eLtière. Cette dernière prière, composée de cas mots om mani padme AoMM, est presque continuellement sur les lèvres des Tibétains, religieux et laïques. La valeur religieuse se mesure sur nombre des fois qu’on la récite’, et la prospérité générale est en proportion dn soin qu’on met à la reproduire par la parole, l’écriture et la gravure. Elle est écrite sur des banderoles, Bottant au gré du vent au haut de grands màts, sur les édifices publies, sur le faite desmaisons. Elle est inscrite en caractères t. Le rosaire est employé pour en faire le compte.