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LÈSE-NATION. LETTRE ET ESPRIT DE LA LOI.

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mier des foDCfiounaires publics et au prince lui-même 1.

Le mot de lése-nation parut dans notre langue politique et dans nos lois le jonr où )’Assemblée nationale venait de proclamer ce

grand principe que tous les pouvoirs émanent essentiellement de la nation et ne peuvent émaner que d’eUe et en premier lieu le pouvoir royal. !i fut prononcé, pour la première fois sans doute (et concurremment avec -celui de tese-majestét, à la séance du 23 juillet t789- où fut lu un arrêté des électeurs de la ville de Paris, en date de la veille, ordonnant <}uc toutes personnes arrëtéessuriesoupcou du crime de <Me-~M ?<o ;: seront conduites à la prison de i abbaye Saint-Germain. et que t’Assemblée nalionale sera engagée à ériger un tribunai de soixante jurés, pris dans les soixante districts, pour procéder à une instruction publique contre les détenus, o A la seconde séance de ce même jour fut adoptée une motion de LaHy-Toiiendai portant que « la poursuite des crimes de /Me-Ma<MM appartient aux représentants de la nation. Le 31 juillet, la même appellation reparait dacs la bouche du duc de Lianconrt, présidant la séance, et Mounier rappelle que a la poursuite des crimes contre la nation n’appartient à aucune ville, à aucune province en particulier, que c’est un droit qui ne peut appartenir qu’à la nation ou à ceux qui la représenteat. Les événements du mois d’octobre ayant fait sentir le besoin d’une loi martiale contre les attroupements, Barnave ; Gieizou et Buzot, appuyés par Robespierre, demandèrent, le mardi 20, soit pour compléter soit pour atténuer l’effet de cette loi, qu’on instituàt aussi un tribnDa), ou haute cour, pour juger les crimes de ièse-nation, et, malgré les observations de Mirabeau qui eût préféré d’autres mesures, on adopta les deux propositions séance tenante. Seulement on avait omis de préciser d’une manière juridique

!e crime même dont il s’agissait, et à la séance 

~u 25 novembre suivant Cazalès demanda que le Comité de constitution fût chargé de présenter un projet de loi dans lequel le crime de lèse-nation serait exactement défini et où l’on déclarerait que nulle parole. nul écrit ne pourrait être réputé crime de lèse-nation, s’il n’était joint à une action. Target répondit que le Comité était déjà chargé de cette mission et ~}ne son travail serait bientôt présenté. Le Comité de constitution organisa en effet, pour remplacer le Comité de Recherches du Châtelet de Paris, qui avait fait son temps, une haute cour nationale, mais sans que rien dans le projet spécifiât la juridiction de cette cour et les crimes de tése-nation qui n’y étaient même pas mentionnés (25 octobre 1790). Robespierre releva immédiatement cette omission et déNnit ces crimes « des attentats commis directement contre les droits du corps social, soit qu’ils attaquent l’existence physique on 1. La hante trahison, la forfaiture, sont en ce sens des crimes d" ÏMe-KnftM ; mais nons ne croyons pas ~m’on puisse qualifier ainsi les crimes commis contre le droit ~ies ~eM, t’Mt-t-dirt de «M-tmamiM. vicient l’existence morale, c’est-à-dire la liberté de la nation. a Les crimes de lèsenation sont rares, ajouta-t-il, quand la constitution de l’État est affermie, parce qu’elle comprime de toutes parts, avec la force généra)e, les individus qui seraient tentés d’être factieux. Mais dans un temps derévo)utiou, lorsqu’un peuple secoue le joug, que le despotisme fait des efforts pour se relever, alors le tribuua) de surveillance doit scruter plus particulièrement les factions particulières. » Puis il demanda que la nomination des juges de la Haute Cour n’appartint pas au roi et qu’elle siégeàt à Paris. Le futur comité de salut public et la loi des suspects étaient déjà dans ces paroles de Robespierre. L’abbé Maury se plaignit aussi du manque de détermination des délits dont la Haute Cour aurait à connaître et des peines qu’elle aurait à porter. La discussion, ajournée, ne fut reprise que le 8 février [79 et le projet fut voté à peu près tel quel, sur l’observation du rapporteur Le Chapelier, que la présentation d un projet de Code pénal suivrait de près et que l’on trouverait eu tête un titre relatif aux crimes de lèse-nation. Néanmoins un tribunal provisoire fut décrété dès le 5 mars, en attendant la formation de la Haute Codr, et ûxé à Orléans, pour instruire les crimes, non encore spécifiés ; de lèse-nation’. On ne voit pas que la promesse faite à cet égard ait été tenue, et le crime de lèse-nation semble n’avoir plus même été articulé lorsqu’on en vint à discuter (7 juin 1791 ) le titre des crimes et délits contre la sûreté de l’Etat.

Concluons que le terme de lèse-nation exprime une idée juste en soi ; la théorie en a été incomplète, et la pratique mauvaise. )i en est de ce crime comme de celui de lèse-majesté. dont Montesquieu dit que c’est une accusation toujours terrible à l’innocence même surtout lorsqu’elle n’est pas précisée dans la loi Nul délit n’a besoin d’une définition légale plus exacte. Là où manque cette définition, non-seulement la liberté n’est plus, mais son ombre même. CHARLES READ. LETTRE ET ESPRIT DE LA LOI. La lettre tue et l’esprit vivifie. Ce mot serait vrai, même s’il n’était pas écrit dans l’Évangile, et l’une des raisons que l’on donne en faveur de’la supériorité du droit français sur le droit anglais est que l’interprétation française tient compte de l’e~-t~ de la loi.

Mais sait-on toujours ce qui est l’esprit et ce qui est la lettre ? Cette question, dira-t-ou, n’est admissible que relativement à l’esprit. La lettre est un fait brutal, et pourvu qu’on ait observé les règles ordinaires du langage, l’interprétation littérale ne doit laisser subsister aucun doute. On se trompe cependant. Lorsque la loi anglaise édicté une punition contre l’homme qui épouse deux femmes, a-t-il prononcé conformément àla lettre de la loi, ce juge qui a acquitté l’époox de trois femmes ? 1. Un projet de décret additionnel, qni ne portait que sur la formation du haut juré Qtry), fut présenté et ToM à la <<Mce dn 31 nuu’t suivant.