Page:Block - Dictionnaire général de la politique, tome 2.djvu/201

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LIBERTÉ. 197

None avons dit pourquoi une telle doctrine ne peut être discutée ; mais si on ne peut discuter la thèse de l’incapacité absolue de quelque peuple que ce soit, on peut discuter celle de l’incapacité absolue d’un peuple, à un moment donné de son histoire. Or, que l’incapacité abEo !ue ne puisse jamais exister, même à cette condition, et avec cette double restriction, deux raisons le démontrent. La première, c’est que pour supposer qu’un peuple puisse être, à un moment donné de son histoire, absolument incapable de liberté, il faut le supposer dépourvu de tous les caractères les plus essentiels de l’humanité ; la seconde, c’est qu’il y a des libertés qui préparent la liberté etsans lesquelles le progrès vers la liberté est impossible. Ces libertés ne peuvent jamais être supprimées car s’il est quelquefois permis de supprimer la liberté, il ne peut être permis de supprimer la possibilité de la liberté. Pour bien comprendre cette dernière remarque, il importe de se rappeler que la société humaine peut être considérée sons trois aspects, selon qn’on envisage nos rapports avec nos proches, avec i’État ou avec Dieu société domestique, sociétépolitique, société religieuse. A chacune de ces divisions correspondent différents ordres de libertés la liberté du foyer et la liberté de l’atelier correspondent à la société domestique ; la société politique, ou l’État, comprend la liberté civile et la liberté publique enfin la société religieuse est fondée sur une double liberté, la liberté de conscience et la liberté de penser. On peut, parmi ces libertés, en distinguer de trois espèces les unes, comme la liberté du foyer et la liberté de l’atelier, sont des libertés de fait ; les autres, comme les libertés publiques, sont des garanties de la liberté ; les autres enfin, telles que la liberté de penser, sont des organes de la liberté. o est vrai qu’on peut dire que toutes les libertés méritent d’être possédées pour ellesmêmes, qu’elles servent toutes de garantie les unes aux antres, et que chaque liberté conquise doit être considérée comme un degré pour monter à une liberté nouvelle. On ne le nie pas ici. On reconnaît qu’il y a un véritable bonheur à influer directement sur les affaires de son pays ; un bonheur encore plus grand à se lancer librement dans le champ de la spéculation à la recherche de l’absolu. On avoue bien que l’habitude de disposer avec indépendance de sa fortune et de son activité dans l’ordre des aCaires privées, prépare les citoyens à comprendre, à souhaiter, à exercer la liberté politique. Mais en revanche, il faut admettre aussi que la liberté de la presse, la liberté d’association, la liberté des élections et la liberté de la tribune, le jury et l’indépendance absolue des magistrats sont les pins solides et les plus nécessaires garanties de toutes les libertés ; et que la liberté de penser, qu’on pourrait appeler par excellence la liberté philosophique, est le propre instrument du progrès, une liberté génératrice de tontes les autres.

Cela étant, il est clair que la liberté philosophique est la première de toutes les libertés, et qu’elle ne peut jamais être refusée en aucun temps et chez aucun peuple. U y a une raison de plus pour cela c’est qu’elle n’est jamais réclamée ou exercée qu’au sein d’un peuple qui y a droit, c’est-à-dire qui en est capable. Ainsi, par cette unique raison, et sans même considérer le droit absolu qu’ont les hommes de tendre en tous temps de toutes leurs forces vers la vérité, toute persécution philosophique est condamnable et injuste.

n est étrange que la plupart des gouvernements suivent la pratique inverse, et que la liberté de penser soit proscrite cbexdespeupies qui ont la liberté civile, et même la liberté politique. C’est qu’avec les autres libertés on fait, pour ainsi dire, la part du feu ; tandis qne celleci est par essence, progressive, et conséquemment indéunie.

On peut dire d’une manière générale qu’en France, depuis la naissance de la liberté, c’està-dire depuis 1789, nous avons été exclusivement occupés des garanties de la liberté, et que nous avons négligé les libertés de fait et les instruments de la liberté.

A chaque gouvernement qui se formait, nous demandions une constitution, et à chaque constitution des libertés politiques, telles que la liberté de la presse, la liberté de l’élection, la liberté de la tribune, la responsabilité des ministres. Nous songions beaucoup moins à ce qui n’a pas un caractère si général et se rapproche davantage des intérêts de la vie privée, comme par exemple à la réforme judiciaire et administrative, à l’organisation de la commune, à la liberté des associations, du travail et du commerce. D’autre part, nous étions três-indifférents aux libertés qui ont pour effet la création de la liberté, c’est-à-dire à la liberté religieuse et philosophique. Certes, la liberté politique est bonne et désirable pour ellemême mais qu’t st-ce qu’une liberté de garantie dont le sens n’est pas compris par tout le monde, et qui, étant seule ou à peu près, ne garantit rien ? La grande majorité des citoyens, même éclairés, n’a pas une idée trèsnette de la séparation et de la pondération des pouvoirs elle laisse avec une certaine indiiférence transporter les attributions du pouvoir législatif au pouv.oir exécutif, et du po’.voir judiciaire au pouvoir administratif. Les systèmes politiques la touchent peu, parce qu’on ne lui en a pas fait pénétrer la portée philosophique, et parce qu’elle n’en voit pas l’application aux affaires de chaque jour. U semble paradoxal de dire que notre préoccupation exclusive de la politique est cause de notre induférenee politique, et cependant c’est la vérité exacte. Nous sommes, en politique, des partis, non des écoles. Nous nous passionnons plutôt pour une cocarde que pour un principe. Nous sommes plus souvent poussés par des rancunes et des espérances qne par des convictions. De là vient que nous ne savons user ni de la victoire, ni de la défaite. Vainqueurs, nous imitons ceutqai nons ont précédés ; vaincus, nous ne spBg6oM~ qu’à renverser nos maîtres pour faire eaStsit~