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204 LIBERTÉ INDIVIDUELLE.

plus que les simples citoyens, ne peuvent formuler aucune réquisition légale.

En principe, l’exécution des mandats ayant pour objet de priver un citoyen de sa liberté ne peut avoir lien que par le ministère des huissiers, des gendarmes, des gardes champêtres ou forestiers. Ce sont là les agents proprement dits de la force publique. (Code d’instruction criminelle, art. 97.) Aucune loi n’autorise les agents de police, ni même les ofBciers de paix à mettre un mandat à exécution, (Voy. MM. Chanveau et Hélie, t. H, p. 238.) Cependant, il est notoire que tous les jours, surtout dans les grandes villes, des arrestations sont opérées par les agents de police ; les individus qni en sont l’objet sont consignés an poste de police ou au corps de garde le plus voisin et. après un séjour p !ns ou moins prolongé, sont conduits devant le commissaire de police du quartier qui maintient 1 arrestation ou ordonne la mise en liberté. Ce procédé, disons-le nettement, est extra-légal aucun texte n’autorise à arrêter, même en cas de flagrant délit, l’auteur d’une simple contravention ou d’un délit qui n’emporte pas la peine d’emprisonnement- On soutient, il est vrai. que le maintien de l’ordre dans les lieux publics où il se produit de grands rassemblements n’est possible qu’à ce prix mais si cette opinion, qui est la nôtre, est fondée, il est clair qu’il faut’se h :.ter de définir et de préciser le droit dès agents de police il faut surtout faire en sorte que tout individu arrêté soit sur-lecbamp, et sans subir aucune détention, conduit devant un magistrat.

En constatant cette lacune dans la loi, nous sommes amené à nous demander quand et comment les citoyens sont autorisés à résister à une atteinte illégalement portée à leur liberté individuelle, question grave qui exigerait de longs développements dont la place n’est pas ici.

En principe, obéissance est due anx ordres des pouvoirs pubiics ; la présomption de légalité est en faveur des agents de l’autorité. Lors donc que l’agent opère dans l’exercice de ses fonctions et qu’il est porteur d’un titre exécutoire, une irrégularité, soit dans la procédure, soit dans le titre lui-mème, n’autorise pas la résistance ; elle ouvre seulement les voies de recours. Mais la préfomption de légalité cesse quand l’agent sort du cercle de ses fonctions pour procéder à nn acte qni n’est pas de sa compétence on pour réaliser un acte de sa compétence dans des conditions ou des circonstances autres que celles prévues par la loi. L’agent de la force publique qui elfectue une arrestation hors le cas de flagrant délit et sans mandat ; l’officier public qni pénétre la nuit dans le domicile d’un citoyen, sans réquisition de la part du chef de la maison et hors les cas prévus, ne sont pas converts-par la présomption de légalité. La résistance, en pareil cas, est légitime ; celui dont la liberté individuelle Mt menacée a le droit naturel de la sauvegarder même par la force, si l’emploi de la force devient nécessaire.

C’est là, on le comprend, nne triste ressource pour )a liberté individuelle ; dans les pays li. bres, la vraie sauvegarde est dans les mœurs publiques et dans la responsabilité des agents du pouvoir à tous les degrés.

En Angleterre, par exemple, les tribunaux sont ouverts à toute victime d’un abus de pouvoir, et lui offrent nne protection d’autant plus assurée que l’agent inférieur n’est pas admis à se dégager de toute responsabilité en invo. quant l’ordre illégal de son supérieur hiérarchique. An moyen de cette législation et du writ d’habeas corpus (eoy. ce Mo<), le droitd’arrestation peut être sans péril grave pour la liberté individuelle, beaucoup moins limité qu’en France.

Suivant Biachstone (chap. xxt). on peut être arrêté [" sur l’ordre du magistrat ; 2° par un officier de justice, sans ordre du magistrat ; 3" par une personne privée, également sans ordre 40 par la clameur publique. Aucune loi ne règle les cas où le magistrat peut émettre un ordre d’arrestation ; le juge de paix, le shérilf, le coroner, le commissaire du quartier, les gens du guet peuvent, dans certains cas, arrêter sans ordre, notamment sur le seul soupçon de félonie. Tout particulier, témom d’une féfonie, est obligé par la loi d’arrêter le félon, sous peine d’amende et d’emprisonnement. Les simples agents de police procèdent sans diincuité aux arrestations sur la voie publique ; le nombre des arrestations est, toute proportion gardée, trois fois plus considérable à Londres qu’à Paris.

Dans plusieurs antres pays de l’Europe, une législation conforme aux principes de la monarchie absolue donne néanmoins des garanties à la liberté individuelle. En Prusse, l’article 1073 du Code général interdit notamment qu’il y soit porté aucune atteinte à moins d’autorisation expresse mais, par une confusion regrettable, la juridiction de police cumule le droit d’arrestation avec celui d’information préalable, qui devrait toujours appartenir à la magistrature proprement dite. Le code de l’empereur Charles V, appelé vulgairement la Caroline, ne contient, pour les Etats autrichiens, aucune disposition protectrice de la liberté individuelle, à moins qu’on ne regarde comme telle l’article 12 qui, pour prévenir l’abus des dénoncia- < tions, autorise la détention du dénonciateur comme celle de l’accusé, Il convient d’ajouter 6 qu’on prépare dans ces pays des lois inspirées t par un esprit plus libéral.’

Nous ne poussons pas plus loin cette revue ; l’expérience, dans ces pays et dans d’autres, a prouvé que les lois sur la liberté individuelle ) sont d’une médiocre utilité quand elles ne font point partie d’un ensemble d’institutions qui se soutiennent les unes par les autres les meilleurs soutiens de cette liberté sont la liberté de la presse et celle de la tribune, l’institution dn jury et la publicité des débats judiciaires, ennn la faculté pour les citoyens de porter leurs plaintes devant les tribunaux. C. FouMnEB~ OottPAMt DttentteB pr<Tenttve, PtsM-port, Pn~ tipM 4e M. S

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