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LITTÉRATURE. LIVRE NOIR.


de face. L’instruction n’est plus à la merci de l’occasion ou de la faveur ; quiconque la désire peut l’obtenir. On n’a plus besoiu d’entreprendre de longs voyages pour entendre la parole d’un maître renommé ; cette parole, dépouitlée de son vêtement matériel, vient vous trouver à domicile. L’homme n’avait qu’un mattre jusqu’alors, et il était par conséquent obligé de croire aveuglément en lui ; désormais, il en aura vingt, qu’il pourra mettre en opposition les uns avec les autres et entre lesquels il sera libre de choisir. En même temps qu’elle donne à la pensée la rapidité de l’éclair, l’imprimerie crée dans le royaume de l’esprit l’égalité et l’émulation. Elle fait du disciple l’égal du mattre par cette faculté qu’elle donne à 1 homme de choisir et de juger entre ceux qui se proposent de l’instruire elle crée l’émulation entre les sages et les lettrés, en les forçant à briguer la faveur du public pour se faire écouter de lui. Le régime parlementaire s’inaugure ainsi dans le domaine de la pensée, les idées sont acceptées ou repoussées par une sorte de suffrage universel, et le royaume des lettres, qui jusqu’alors avait été une véritable monarchie, pourra justement porter le nom de république. RépuNique dans tous les sens, car à partir de la Renaissance, la littérature n’a plus relevé que d’elle-même et s’est débarrassée de toutes les influences qui avaient pesé sur elle. Cette personnalité que nous lui avons vu si laborieusement et si glorieusement chercher en

Grèce et à Rome, elle l’a enfin conquise. L’homme de génie n’a plus besoin de s’abriter derrière une autre autorité que celle de sa conscience, il n’a plus besoin de se dire enïoyé de Dieu, de justifier son inspiration en alléguant une inspiration céleste ; il affirme comme un droit naturel qu’il possède nn pouvoir sur ses semblables, que nul ne peut l’empêcher d’exercer. Tout homme qui a quelque chose à dire n’a plus besoin d’investiture pour parler il n’a d’autres conseillers à consulter que sa conscience et son cœur. L’opinion du monde devient une manière de trône perpétuellement proposé à l’usurpation du génie humain. Voilà trois siècles que ce grand mouvement a commencé, et dans ce court laps de temps il a déjà tout renouvelé, mœnrs, lois, gouvernement, sciences, intérêts, Il a mis l’homme en possession de lui-même en lui répétant la notion de 1 humanité, il a réduit le gouvernement à n’être que la première des fonctions sociales, il a transformé la nature des lois, et d’ordres imposés par une autorité mystique qu’elles étaient il en a fait des obligations volontairement consent ss.

L’apogée de ce grand mouvement fut, comme <m le sait, le dix-huitième siècle. Alors on voit pour la première fois dans tous les États de l’Europe de simples particuliers s’ériger en censeurs des institutions et des lois établies, et se présenter devant les populations comme les vêritabtes représentants de l’autorité mofale, de la justice et de la raison. Chose merveilleuse et qui fait mesurer le progrès aecompli depuis la Renaissance, ces prétentions ne choquent et n’étonnent personne. Ou trouve tout naturel que Voltaire, Montesquieu on Rousseau aient raison contre les représentants officiels de l’Eglise et de l’État. Les princes écoutent avec docilité les avis des philosophes et pour donner satisfaction à leurs vœux, portent eux-mêmes la main sur les vieilles insti. tntions de leurs États. En Espagne, en Portugal, en Toscane, à Naples, en France, en Autriche, les hommes d’État et les princes gouvernent selon les principes nouvellement mis en favenr auprès de l’opinion par les philosophes, et de manière à mériter les applaudissements et les félicitations de ces rois d’un nouveau genre dont ils ne sont, pendant plus de cinquante ans, que les miuistres et les agents. On sait comment se termina ce grand mouvement littéraire et philosophique l’événement qui en fut la conséquence dernière porte un nom mémorable et terrible ; il s’appelle la Révolution francaise.

En résumée on peut dire que la civilisation moderne tout entière est la fille de la littérature, car la littérature est le principal agent des trois grands événements qui ont renouvelé les sociétés européennes la Renaissance, la Réforme et la Révolution française. De ces trois événements, deux sont les enfants légitimes et directs de la littérature, la Renaissance et la Révolution. Le troisième, la Réforme, eut une antre parenté et ne fut qne son enfant d’adoption, mais on peut dire que, sans cette adoption, l’enfant n’aurait pu vivre. En dehors de ces trois grands faits, je n’en vois qu’un autre, très-considérable il est vrai, et qui remplit tonte l’histoire politique des trois derniers siècles la substitution du gouvernement monarchique au gouvernement féodal. Ce grand fait, dont les origines sont de beaucoup antérieures au seizième siècle, ne doit pas, il est vrai, sa naissance à la littérature, mais celle-ci l’aida cependant de tout son pouvoir et fut son alliée la plus fidèle. Les partisans les plus zélés de l’ordre monarchique, les conseillers les plus sages de la royauté doivent être cherchés parmi les hommes qui appartiennent le plus intimement au parti de la Renaissance. Ainsi les faits même qui ne sont pas issus directement de l’influence de la littérature, doivent cependant en partie à cette influence leurs destinées et leur fortune, et Ion peut dire par conséquent quel’histoire politique des temps modernes n’est pas autre chose que leur histoire littéraire transformée et agrandie. É.MILE MONTÈUUT.

CcitTAEEZ Beaux-Arts, Sciences, Théâtres, etc. LIVRE D’OR. Registre sur lequel étaient inscrits les noms de toutes les familles nobles de Venise. H a été ouvert par le doge Gradenigo, en 1297, pour assurer aux familles nobles le droit exclusif d’élection et d’éligibilité à toutes les magistratures.

LIVRE NOIR. Registres établis en France sons la Restauration, en Allemagne après 1830 (pat