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MAHOMËTISME. MAILLOTINS.

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sont crus insultés on menacés ; ils ont alors éprcjvé tout ce que peut la fureur de maîtres apathiques et ignorants dont on a lassé la tolérance. Il faut même avouer que cette situation est devenue encore plus critique depuis que l’Europe a voulu exercer une pression sur le gouvernement intérieur de la Turquie, et, en imposant à la société musulmane des réformes opposées à l’esprit de l’islamisme, lui a demandé le suicide. L’indissoluble et fatale union de la loi religieuse et de la loi civile est le plus grand obstacle à toute innovation po)itique. La loi, égale pour les seuls musulmans, ne peut admettre pour les infidèles d’autres sentiments que ceux d’une tolérance dédaigneuse, ni combler, entre les enfants de Dieu et leurs ennemis, l’abîme qui sépare le réprouvé du prédestiné. L’islamisme est évidemment Je produit d’une combinaison inférieure et pour ainsi dire médiocre des éléments humains. Voilà pourquoi il n’a été conquérant que dansl’étatmoyen de la nature humaine. Les races sauvages n’ont point été capables de s’y élever, et, d’un autre coté, il n’a pu suffire aux peuples qui portaient en eux le germe d’une plus forte civilisation. Sa trop grande simplicité a été partout un obstacle au développement vraiment fécond de la science, de la grande poésie, de la délicate moralité.

Que si l’on se demande quelles seront les destinées de l’islamisme en face d’une civilisation essentiellement envahissante, et appelée, ce semble, à devenir universelle, autant que le permet l’inflnie variété de l’espèce humaine, il faut avouer que rien ne permet de se former à cet égard des idées précises. D’une part, si l’islamisme vient, non pas à disparattre, car les religions ne meurent pas, mais à perdre la direction morale et intellectuelle d’une partie importante de l’univers, il ne pourra succomber sons le coup d’une autre religion, mais sons le coup des sciences modernes, portant avec elles leurs habitudes de rationalisme et de critique. D’un autre côté, il semble, à n’envisager que ses dogmes et sa constitution, qu’il ait, dans sa simplicité, des forces cachées de résistance. Il n’a ni papes, ni conciles, ni évêques d’institution divine, ni clergé bien déterminé ; il n’a jamais sondé l’abime redoutable de l’infaillibilité. A quoi, se dit-on par moments, s’attaquerait la critique ? A la légende

? Cette légende n’a guère plus de sanction 

que les pieuses croyances que, dans le sein du catholicisme, on peut briser sans être hérétique. Serait-ce au dogme ? Réduit à ses lignes essentielles, l’islamisme n’ajoute à la religion naturelle que le prophétisme de Mahomet et une certaine conception de la fatalité qui est moins un article de foi qu’un tour général d’esprit susceptible d’être convenablement dirigé. Serait-ce à la morale ? On a le choix de quatre sectes également orthodoxes, entre lesquelles le sens moral conserve une honnête part de liberté. Quant au culte, dégagé de quelques superstitions accessoires, il ne peut )M : comparer, pour la simplicité, qu’à celui des Mctes protestantes les plus épurées. N’a-t-on pas vu, an commencement de ce siècle, dans la patrie même de Mahomet, un sectaire provoquer le vaste mouvement politique et religieux des Wahhabites, en proclamant que le vrai culte à rendre à Dieu consiste à se prosterner devant l’idée de son existence, que l’invocation de tout intercesseur auprès de lui est un acte d’idolâtrie, et que l’oeuvre la plus méritoire serait de raser le tombeau des prophètes et les mausolées des imans ?

Des symptômes d’une nature beaucoup pin~grave se révèlent en Egypte et à Constantinople. Là, le contact des sciences et des mœurs européennes a produit chez quelques personnes un libertinage de croyances qui ne se dissimule que pour ne pas choquer le peuple. Les croyants sincères, qui ont la conscience du danger, ne cachent pas leurs alarmes, et dénoncent les livres de science européenne

comme contenant des erreurs funestes et-subversives de toute foi religieuse. On peut néanmoins persister à croire que, si l’Orient pouvait arriver à surmonter son apathie et à franchir les bornes qu’il n’a pu jusqu’ici dépasser en fait de spéculations rationnelles, l’islamisme n’opposerait pas un bien sérieux obstacle aux progrès de l’esprit moderne. Le manque de centralisation théologique a toujours laissé aux nations musulmanes une certaine liberté religiense, et l’orthodoxie musulmane, n’étant point défendue par un corps permanent, autonome, qui se recrute et se régit lui-même, est assez vuinéraNe. Mais il faut avouer aussi que, dans certaines parties du monde musulman, en Syrie par exemple, J’ignorance et le fanatisme sont extrêmes, et que l’on ne conçoit guère comment des têtes si étroites s’ouvriraient jamais à quelque idée large et à quelque sentiment généreux.

Il est superflu d’ajouter que, si jamais un mouvement de réforme se manifestait dans i’islamisme, l’Europe ne devrait y participer que par son influence la plus générale. Elle aurait mauvaise grâce à vouloir régler la foi des autres. Tout en poursuivant activement la propagation de son dogme, qui est la civilisation, J elle doit laisser aux peuples la tâche infiniment délicate d’accommoder leurs traditions religieuses à leurs besoins nouveaux, et respecter le droit le plus imprescriptible des nations comme des individus, celui de présider soi-même dans la plus parfaite liberté aux révolutions de sa conscience. EaNEST RENAN.

CoMPABEZ Perse, BeHgion, Tnrqnie. MAILLOTINS. L’insurrection des Mailloting fut la dernière ressource du peuple de Paris, affamé par les régents de Charles VI. Elle eut lieu à l’occasion d’un impôt mis parle duc d’Anjou sur toutes les denrées ; elle ne fut pas dirigée par la commune, mais elle fut l’œuvre de ce qu’on appelait alors le menu peuple. Les insurgés prirent l’hôtel de ville, forcèrent J’arsenal et s’y armèrent de maillets (d’où leur DOm). Ils massacrèrent les collecteurs, déJivrérent les prisonniers du Châtelet, de i’évéché, de l’abbaye de Saint-Germain. L’évêque