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MAJESTÉ. MAJORAT.


est bien faible. Les tribuns étaient inviolables, mais la violation de leur caractère n’était pas nn crime de lèse-majesté, puisqu’ils ne représentaient qu’une partie du peuple romain.

Voltaire rapporte qu’à la Chambre des communes un orateur parla de la majesté du peuple anglais, et que l’assemblée se mit à rire, mais qu’il répéta son expression et fut applaudi. On appela quelquefois les derniers empereurs romains Votre Majesté. Ce titre passa aux empereurs d’Allemagne, mais c’était plutôt une épithète qu’un nom d’honneur affecté à la dignité impériale. (Voltaire.) On disait indifféremment aux rois et aux empereurs

Votre Excellence, Votre Sérénité, Votre Grandeur, Votre Gràce. L’empereur Charles IV écrivait au cardinal Colombier, doyen du SacréCollège Votre Majesté. Louis XI fut le premier roi de France à qui l’on donna ce titre ; les Étals d’Orléans le refusèrent à Catherine de Médicis, et l’on a des lettres où Henri 1U n’est appelé qu’Altesse. Philippe H, dit encore Voltaire qui tient à prouver la nouveauté de ce titre, fut la première Majesté d’Espagne, car la Sérénité de Charles-Quint ne devint Majesté qu’à cause de l’empire. Vers la fin du seizième siècle, tous les rois de l’Europe prirent le titre de Majesté ; mais ils se le refusèrent souvent les uns aux autres, et il ne leur fut donné à tous par la chancellerie de l’empire d’Allemagne qu’en 1741. J. DE BoisjosuN.

COMPAREZ Altesse, ExceUence, SërëaiBaime. MAJORAT. Les anciens jurisconsultes déOnissaient le majorat nn adéicommis, graduel, successif, perpétuel, indivisible, dans la vue de conserver le nom, les armes et la splendeur d’une maison, et destiné toujours à l’aîné de la famille. On fait dériver l’étymologie de ce mot de Ha<K MM~orM ; lemajorat constituait eu effet un véritable droit d’ainesse. Dans notre droit nouveau, on peut le définir la dotation d’un titre de noblesse héréditaire. H ne faut pas le confondre avec le droit d’atnesse proprement dit, qui est simplement le privilége établi en faveur de l’atné de prendre dans la succession de ses auteurs une part plus forte que ses copartageants, mais sans être tenu de conserver et de rendre à d’antres, appelés après loi, les biens qu’il a recueillis. Le caractère essentiel du majorat est donc de rendre inaliénables entre les mains du donataire les biens qu’il ne détient que pour les transmettre à la génération qui le suit, laquelle les transmettra de même à son tour à d’autres appelés dans l’ordre Bxé par le titre constitutif. Il y avait autrefois deux sortes de majorats le majorat régulier, qui appelait an adéicommis l’amë le plus prochain du dernier possesseur et le majorat irrégulier qui appelait à succéder J’amé quel qu’il fût, encore que- cet aîné ne fût pas le plus prochain du dernierpossesseur. H sautait alors d’une ligne à l’antre, dit Merlin, pour aller chercher l’atné contre l’ordre des successions légitimes. Dans ce dernier cas, la représentation n’était pas admise et le petit-fils du possesseur était primé par son cousin plus âgé que lui. (Voy. Egypte.)

Les Romains, qui ont tant pratiqué les substitutions, n’ont pourtant jamais connu cette grande institution aristocratique des majorats telle qu’elle s’est propagée depuis, d’une ma~ nière si générale, dans toute l’Europe. Cependant chez les Romains les Méicommis graduels étaient en usage ; comme toute faculté tend à s’étendre indéfiniment si rien n’y fait obstacle, on ne se borna pas à gratifier un premier légataire, on voulut après lui en gratifier un second, puis un troisième et ainsi de suite. Ces Méicommis soulevèrent de si nombreuses réclamations que Justinien fit une loi pour les restreindre ; il défendit de les étendre au delà de quatre générations, post quatuor <<eM !tm yeKera<t’oKM. Observons qu’il ne s’agissait encore que de substitutions et non de majorat il est vrai que tout majorat suppose une substitution, mais la réciproque n’est pas exacte. L’usage des majorats s’est introduit en Italie à l’époque de Charlemagne. En France, le droit d’atnesse et le majorat s’établirent en même temps que l’hérédité des Nefs, comme le fait observer Montesquieu (J&prtMM /oM, liv. XXX !, eh. xxxn) ; on ne connaissait point le droit d’atnesse on de primogéniture sous les rois de la première race, et les biens se partageaient entre les frères. L’Espagne, naturellement, ne resta pas en arrière dans le mouvement aristocratique qui entraînait l’Europe ; on y érigea des majorats, et la noblesse sut tout aussi bien qu’ailleurs se prévaloir des privilèges qui en résultaient La noblesse d’Espagne a un bcan droit, dit un ancien auteur de voyages ; si an moins il lui est bien conservé 1 C’est que pour endettée qu’elle soit, on ne peut lui saisir que le revenu de son bien, parce qu’il est tout en mayora~o, c’est-à-dire Méicommis. » En France, l’orgueil nobiliaire tendit constamment, sons l’ancien régime, à créer des majorats, à les accroltre, à assurer par ce moyen la perpétuité des grandes familles ; là où le majorât n’était pas possible, la substitution y pourvoyait. Les fortunes se trouvaient ainsi frappées d’inaliénabilité et les détenteurs en étaient plutôt les usufruitiers que les propriétaires. Cet état de choses constituait un abns tellement grave que le législateur s’efforça constamment d’y mettre un frein ; les ordonnances de 1560, 1566 et 1747 prohibèrent les ndéicommis an delà du troisième ou du quatrième degré y compris le premier institué, et d’Aguesseau, au dix-huitième siècle, exprimait l’opinion que l’abrogation entière des Méicommis serait peut-être la meilleure des lois. · Le chancelier était loin de prévoir a)ors que ce vcen, émis sous une forme si timide, allait bientôt s’accomplir et qu’une réforme radicale allait emporter, avec les Méicommis et les majorats, la vieille société tout entière. La loi du 14 novembre 1792 prononce l’abolition absolue des substitutions et rend libres les biens grevés, entre les mains du détenteur actuel.

En 1804, le Code Napoléon maintint la pro-