Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/262

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les granits armoricains, les gemmes du Septentrion, les escarboucles et les saphirs du vieil Orient, les topazes, les onyx et les opales mystérieuses des monts inconnus.

Il fallait aussi tout cela pour décorer les Heures douloureuses de la Compassion de Marie, sans préjudice de nouveaux massacres plus denses, plus rigoureux, plus syllogistiques…

La langue de Dieu se récupéra comme la vierge souillée du Prophète « projetée sur la face de la terre en l’abjection de son âme et foulée dans son sang ». Le sublime latin du Moyen Âge dont les cuistres ont horreur, fut recueilli à tâtons par des peuples agenouillés dans le crépuscule et trié mot à mot, de leurs mains tremblantes, parmi les corolles pourries des anciennes fleurs maquillées de sang.

Ces pauvres mots si précieux dont Notre Dame avait tant besoin pour se lamenter au pied de la Croix, il fallait tant de patience pour les clarifier et si faible était la lumière que les âmes amoureuses périssaient en sanglotant !

On ne comprend plus aujourd’hui ces choses. Mais, alors, c’était terrible à penser qu’on pouvait très-bien se tromper de patibule, adorer un autre holocauste et contraindre effroyablement l’Immaculée à pleurer sous l’arbre de la science infâme où pendait le mauvais apôtre !…

À force, pourtant, de générations résignées, à coups d’humbles cœurs battant par millions contre les parois inébranlables de la vieille latinité,