Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/126

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toute terrifiée et toute bouleversée : « J’ai eu cette nuit, dit-elle, une effrayante vision qu’encore maintenant je ne puis chasser de mon esprit. Comme je priais hier soir pour les mourants, je fus conduite près d’une femme assez riche, et j’eus la douleur de voir qu’elle allait se damner. Je luttai avec Satan devant son lit, mais sans succès : il me repoussa ; il était trop tard. Je ne puis dire quel fut mon désespoir quand il enleva cette âme et qu’il laissa là ce corps courbé en deux et aussi repoussant pour moi qu’une charogne. Je ne pus m’en approcher, je ne le vis que de haut et de loin. Il y avait là aussi des anges qui regardaient.

» Cette femme avait un mari et des enfants. Elle passait pour une très bonne personne et vivait à la mode du monde. Elle avait un commerce illicite avec un prêtre, et c’était là un vieux péché d’habitude qu’elle n’avait jamais confessé. Elle avait reçu tous les sacrements : on parlait de sa belle contenance et on la disait bien préparée. Elle était pourtant dans l’angoisse à cause du péché qu’elle avait tenu secret.

» Alors le diable lui envoya une misérable vieille femme, son amie, à laquelle elle s’ouvrit sur ses inquiétudes. Mais celle-ci l’exhorta à chasser ces pensées et à ne pas faire du scandale ; elle lui dit qu’il fallait se tenir en repos quant aux choses passées, qu’elle ne devait plus se tourmenter maintenant qu’elle avait reçu les sacrements et édifié tout