Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/127

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le monde, qu’elle ne devait pas exciter des soupçons, mais s’en aller en paix à Dieu. Puis la vieille femme ordonna qu’on la laissât seule et en repos.

» Mais la malheureuse, si voisine de la mort, avait encore l’imagination pleine de désirs qui la portaient vers le prêtre complice de son péché. Et, lorsque je l’abordai, je trouvai Satan sous la figure de ce prêtre qui priait devant elle. Elle-même ne priait pas, car elle agonisait, pleine de mauvaises pensées. Le Maudit lui lisait les psaumes ; il lui citait, entre autres, ces paroles : Qu’Israël espère dans le Seigneur, car en lui est la miséricorde et la rédemption surabondante, etc., etc. Il fut furieux contre moi. Je lui dis de faire une croix sur la bouche de la mourante, mais il ne le put pas. Tous mes efforts furent inutiles : il était trop tard, on ne pouvait arriver jusqu’à elle ; elle mourut.

» Ce fut quelque chose d’horrible quand Satan emmena son âme. Je pleurai et je criai. La misérable vieille femme revint, consola les parents qui étaient là et parla de la belle mort de son amie. Lorsque je m’en allai, en passant sur un pont qui était dans la ville, je rencontrai encore quelques personnes qui allaient chez elle. Je me dis : « Ah ! si vous aviez vu ce que j’ai vu, vous vous enfuiriez loin d’elle ! » Je suis encore toute malade et je tremble de tous mes membres. »

Cette page est empruntée au 3e volume de l’incomparable Vie d’Anne-Catherine Emmerich, la