Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/170

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de miracles, sinon en faveur des saints, prononça cet âne. Je lui objectai immédiatement les dix lépreux de l’Évangile et les guérisons de Lourdes, ce qui le laissa silencieux et bouche ouverte comme un poisson cuit.

Si je n’avais pas été édifié depuis longtemps, le sourire professionnel de cette soutane, chaque fois que je lui présentais un Texte, m’aurait éclairé sur l’avilissement horrible du clergé contemporain. C’est épouvantable — et consolant à ce point de vue que tels doivent être les prodromes du Chambardement.

Au cours de cet entretien plus que cocasse, il me conseilla avec bienveillance de faire un autre métier que celui d’écrivain, un métier « nourrissant son homme ». C’eût été amusant de lui retourner le conseil. Je m’en abstins. Mais ce qui me parut significatif au dernier point, ce fut le retour continuel, quasi automatique, de l’exclamation horrifiée : Tendre la main !

Combien de fois, voulant à toute force que je fusse un mendiant de profession, parce que je lui avais dit mon immense confiance en Dieu, ne répéta-t-il pas ces trois mots avec une sorte d’épouvante intime et profonde, précisant ainsi — pour s’en étonner davantage — l’attitude habituelle qu’il me supposait ! Évidemment un tel acte, sans lequel il est à peu près impossible de se représenter un Ami du Sauveur des pauvres, était, à ses