Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/249

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destruction des petits enfants. Ravi de bonne heure à la tendresse de son épouse, il était allé l’attendre dans un mausolée d’une hideur extraordinaire. C’est là que j’ai lu, non sans effroi, au-dessus d’une entrée bizarre, ces mots incroyablement tirés de l’Évangile : Frappez et l’on vous ouvrira

Cette inscription n’eût pas été à sa place à la porte de la maison de la veuve. Quand on avait carillonné plusieurs fois, on voyait lentement s’ouvrir un guichet étroit et, dans ce cadre, apparaissait une chose fantastique. Le visage affreux de la vieille à côté de la gueule féroce d’un énorme chien danois appuyé des deux pattes sur les épaules de sa maîtresse. Elle parlait alors au survenant d’une voix de gendarme où il y avait autant de haine que de peur. Si on était un pauvre, le guichet se refermait violemment avec un blasphème. On ne parvenait à franchir le seuil qu’à titre de locataire futur et muni de certaines références. Dans ce cas, on traversait une cour et un morceau de jardin pour arriver à un pavillon sinistre en compagnie de Mme Mouton et de son molosse.

Ce pavillon rongeait la propriétaire. Elle ne pouvait, en aucune façon, l’utiliser et cette non-valeur la désespérait. D’un autre côté, elle ne pouvait pas davantage se résoudre à prendre un locataire, quelles que fussent les garanties. C’était pour elle aussi grave que le choix d’un amant pour une femme honnête. Jamais elle n’avait pu se décider.