Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/156

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mula je ne sais quel banal remerciement et prit son porte-monnaie dans le dessein de récompenser l’étrange compagne silencieuse qui venait peut-être de le sauver.

Mais celle-ci, l’arrêtant d’un geste :

— Non, monsieur, ce n’est pas cela.

Il vit alors seulement qu’elle pleurait, car il n’avait pas osé la regarder depuis une demi-heure qu’ils marchaient ensemble.

— Qu’avez-vous ? dit-il, très ému, et que puis-je faire pour vous ?

— Si vous vouliez me permettre de vous embrasser, répondit-elle, ce serait la plus grande joie de ma vie, de ma dégoûtante vie, et il me semble qu’après cela, j’aurais la force de mourir.

Voyant bien qu’il y consentait, elle sauta sur lui, grondante d’amour, et l’embrassa comme on dévore.

Une plainte de cet homme qu’elle étouffait la désenlaça.

— Adieu, Maxence, mon petit Maxence, mon pauvre frère, adieu pour toujours et pardonne-moi, cria-t-elle. Maintenant je peux crever.

Avant que son frère eût le temps de faire le moindre mouvement, elle avait la tête broyée sous la roue d’un camion nocturne qui passait comme la tempête.