Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/184

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Virginie Durable, née Mucus, était le type insuffisamment admiré de la martyre.

C’était même une martyre de Lyon et, par conséquent, la plus atroce chipie qu’on pût voir.

Elle avait été, dès son enfance, livrée aux bourreaux les plus cruels et n’avait jamais connu le rafraîchissement des consolations humaines. L’univers, d’ailleurs, était régulièrement informé de ses tourments.

Trente années auparavant, lorsque M. Durable, aujourd’hui négociant retiré des huîtres, avait épousé cet holocauste, il ne se doutait guère, le pauvre homme, de l’effrayante responsabilité de tortionnaire qu’il assumait.

Il ne tarda pas à l’apprendre et même en devint, à la longue, tout à fait gâteux.

Quoi qu’il eût pu faire ou dire, il n’était jamais, une seule fois, parvenu à n’être pas criminel, à ne pas piétiner le cœur de sa femme, à n’y pas enfoncer des glaives ou des épines.

Virginie était de ces aimables créatures qui ont « tant souffert », dont aucun homme n’est digne, que nul ne peut ni comprendre ni consoler et qui n’ont pas assez de bras à lever au ciel.

Elle arborait, cela va sans dire, une piété sublime qu’il eût été ridicule de prétendre assez admirer et