Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/276

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ultra-superfins qui prétendaient à l’athénianisme suprême.

— De quoi vivez-vous ? lui demanda méchamment un jour, en présence de cinquante personnes, la plus acariâtre des poétesses.

— D’aumônes, madame, répondit-il simplement, avec un sang-froid de poisson mort.

Réponse, d’ailleurs inexacte, qui le caractérisait très bien.

On ne l’embêtait pas trop, lui sachant la dent cruelle, et parfois il dégainait une sorte d’éloquence barbare qui l’imposait à l’attention des inattentifs les plus rétractiles ou des délicats les plus crispés.

En somme, il disait tout ce qu’il voulait, privilège rare que ne lui contestait personne.

La maîtresse du lieu le pria donc, ce soir-là, de manifester son sentiment.

— Alors, tant pis, ce sera une histoire, dit Apémantus, une histoire aussi désobligeante que possible, cela va de soi ; mais auparavant, vous subirez, — sans y rien comprendre, j’aime à le croire. — quelques réflexions ou préliminaires conjectures dont j’ai besoin pour stimuler en moi le narrateur.

Il est malheureusement indiscutable que la pauvreté contamine la brillante face du monde, et il est tout à fait fâcheux que les dames pleines de parfums soient si souvent exposées à rencontrer de petits enfants qui crèvent de faim.