Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/296

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La loi des malheureux est par trop dure, en vérité. C’est donc tout à fait impossible qu’une fille pauvre échappe, de manière ou d’autre, à la prostitution ?

Que dirait le missionnaire ? Que dirait-il, ce beau vieillard qui avait si bien vu qu’elle agonisait de la soif de vivre ?… Le souvenir de cet inconnu, vivant ou mort, la fit pleurer silencieusement dans l’ombre.

Elle ne se jugeait pas meilleure que les plus perdues. Sa faute ayant été sans ivresse, rien n’était capable d’en atténuer l’amertume et l’humiliation. Cette récurrence perpétuelle l’hypnotisait, l’immobilisait, la faisait paraître stupide quelquefois, avec ses paniques yeux de Cassandre du repentir, fixement ouverts…

Elle avait donné irrévocablement, pour toute la durée des éternités, son seul bien, le plus précieux trésor qu’une femme puisse posséder, — cette femme s’appelât-elle l’Impératrice de la Voie lactée. Elle avait donné cela à qui, et pourquoi ?…

À présent, les Trois Personnes pourraient faire ce qu’elles voudraient, raturer la création, congédier le temps et l’espace, repétrir le néant, amalgamer tous les infinis, tout cela ne changerait absolument rien à ceci : qu’à une certaine minute elle était vierge et qu’à la minute suivante elle ne l’était plus. Impossible de décommander la métamorphose.

— Que puis-je donc offrir ? murmurait-elle. En quoi suis-je préférable à la première venue que les hom-