Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/327

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

jour, je m’embête à crever et je vis à peine. Je veux devenir honorable, comme vous-même, cher ami. Pour cela, il me faut de l’argent sans doute, mais il me faut surtout une femme. Il était assez naturel que je jetasse les yeux sur vous qui pouvez me donner à la fois l’une et l’autre… Mademoiselle Suzanne est tout simplement délicieuse.

… Oh ! ne gueulez pas : c’est absolument inutile. Voici. J’ai votre captivante photographie et je possède, en outre, quelques lettres non moins précieuses dont vous m’honorâtes autrefois. Donnant donnant. Vous m’entendez bien… Je vous offre un mois pour bâcler l’affaire, six semaines au plus. Passé ce délai, je fais tout sauter. Moi, je n’ai rien à perdre. Maintenant, arrêtez votre cocher. Je descends ici.

— Un mot encore, balbutia le malheureux qui venait de rouler dix mille marches. Vous avez oublié que je peux me tuer.

L’autre éclata de rire et, déjà sur le marchepied :

— Je n’ai pas peur de ça. Les cochons ne se tuent jamais, dit-il, non sans profondeur.



Deux mois après cet entretien, Agénor Bardache épousait Suzanne dans un village de Normandie où l’avocat possédait une vieille maison.