Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/338

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Le premier mois étant achevé, il prit tout à coup un air bon enfant pour me déclarer que son patron, moins coriace que je ne paraissais le croire, avait résolu de me gratifier chaque mois d’une raisonnable somme, quoique je n’eusse besoin de rien sous son toit.

— Mais, ajouta-t-il, on sait ce que c’est que les jeunes gens. Le plaisir leur est nécessaire après une journée de travail, et monsieur votre père l’a parfaitement compris. Je suis même chargé de vous remettre une clef de la porte extérieure, pour que vous puissiez rentrer à l’heure qu’il vous plaira, quand vous sortirez le soir. On tient à vous faire sentir que vous n’êtes pas un prisonnier.

L’argent que me donna cet intermédiaire — mon premier argent ! — m’amollit naturellement le cœur, et je ne songeai plus à me défier de lui.

Il en profita sur le champ pour me soutirer toute la confiance possible, ce qui n’était vraiment pas un travail d’Hercule, puisque je n’avais que dix-huit ans et pas un ami sur terre.

Bon enfant, de plus en plus, il devint, peu à peu, mon chaperon de libertinage, daigna se soûler en ma compagnie et me fit connaître les bons endroits.



Bâclons l’épisode final. Un jour le terrible drôle, qui savait ce qu’il faisait, me donna l’adresse —